Le 9 septembre, Iryna Diadik et ses deux enfants : Olha et Roman, respectivement 13 et 12 ans, foulent le sol canadien pour la première fois. Le début d’une nouvelle vie de l’autre côté du globe.

Par Hugo BEAUCAMP

Les yeux d’Iryna Diadik, ou « Ira », s’illuminent lorsqu’elle parle de sa ville natale : Mukachevo. « C’est une ville magnifique, cernée par les montagnes et les forêts. » Pourtant située dans une région relativement éloignée des zones de combat, à l’Ouest de l’Ukraine, à quelques kilomètres de la Slovaquie et de la Hongrie, à Mukachevo aussi, les sirènes d’alarme finissent par retentir et les obus par siffler au-dessus des toits.

« C’était terrifiant et les enfants ne pouvaient plus aller à l’école. J’ai pris la décision de partir. Au fond je savais que changer de pays était le bon choix. » Mais même les bonnes décisions ne sont pas toujours faciles à prendre. Surtout lorsqu’elles impliquent de laisser derrière tout ce qui nous est familier et ceux qui nous sont proches : « Ça a été dur pour ma fille de quitter tous ses amis. Mes parents aussi sont restés là-bas et la situation empire : coupures d’électricité et pas de chauffage. »

Sa mère, Larisa, et son père, Olexander, téléphonent à leur fille tous les jours depuis son départ et parfois, lorsque la notion de distance les rattrape, ils pleurent ensemble. « J’ai toujours vécu près de mes parents, raconte Iryna Diadika. C’est la première fois qu’ils sont aussi loin de moi, mais au moins je sais qu’ils vont bien. Je suis sûre que l’on se retrouvera bientôt », conclut-elle dans un sourire.

Ι Garder le sourire 

Car le sourire, Iryna Diadik ne l’a pas perdu en arrivant au Manitoba.

Lorsqu’elle fait sa demande en avril 2022, elle s’interroge sans cesse jusqu’à l’obtention de son visa: « J’y vais? Je n’y vais pas? » Forcément, avec l’appréhension de tout reprendre à zéro dans un pays étranger, elle est saisie de doutes mais rapidement, le Canada apparaît comme une évidence. « C’est comme si tout était écrit. Petit à petit, les étapes se sont enchaînées sans accrocs aucun. » Et la cadence est restée la même une fois à Winnipeg.

Passés le « choc culturel » et les premières bouffées d’un air « plus sec », les choses se sont enchaînées naturellement pour la famille Diadik : « Les Canadiens sont tellement gentils, tellement amicaux. On a reçu énormément d’aide, nous nous sommes vraiment sentis à l’aise. Un mois après, j’étais prête à commencer une nouvelle vie ici. »

Ι Vivre comme avant 

Et les enfants sont ravis. « Roman est vraiment heureux d’être au Canada! Il adore l’école. Olha, quant à elle, s’est fait des amis ukrainiens à l’école. Les professeurs et le personnel ont tout fait pour qu’ils se sentent à l’aise, elle ajoute avec fierté, d’autant plus qu’ils ne parlaient pas anglais en arrivant. Mais ils apprennent vite, c’est plus facile pour eux que pour moi (rires). »

À 13 et 12 ans, Olha et Roman sont en âge de comprendre ce qui se passe dans leur pays natal : « J’ai dû leur expliquer qu’ils devaient garder espoir, que c’est une guerre que l’Ukraine gagnerait. » Elle admet cependant qu’elle ne met pas les nouvelles à la maison et que la guerre est un sujet dont ils évitent de parler. Ils s’efforcent de vivre « comme avant », seulement ailleurs.

L’histoire d’Iryna est la preuve que l’amour trouve toujours son chemin, même dans les moments les plus troubles. Lorsqu’elle débarque de l’avion en septembre, Iryna Diadik s’appelle encore Iryna Shynkaryuk. « Je suis encore jeune, lance-t-elle en riant à moitié. Alors j’utilisais des applications de rencontre, je pensais rencontrer un Canadien ou un Américain! Mais… surprise! Il est Ukrainien. C’était inattendu mais je suis très heureuse. » Sergii Diadik est arrivé ici en même temps qu’elle, mais depuis la Slovaquie. Ils se sont mariés à Winnipeg au mois de novembre.

Ι Respecter les coutumes  

La petite famille recomposée s’apprête donc à passer les Fêtes loin des leurs pour la première fois. « On avait pour tradition de passer les Fêtes chez mes parents, comme le veut la coutume. Ma mère cuisinait 12 plats, notamment du kutia (dessert traditionnel populaire en Ukraine), un gâteau à base de blé, aux raisins et au miel. » Contrairement aux occidentaux, les Ukrainiens ont pour habitude de fêter Noël les 6 et 7 janvier et cette année, les Diadik ne dérogeront pas à la règle: « Le 6 au soir, nous dînerons en famille, mais les plats seront végétariens. Le lendemain, nous avons prévu de rejoindre des amis. Nous ramènerons tous des plats ukrainiens ou faits avec des produits ukrainiens pour chanter des chants chrétiens orthodoxes, conclut-elle : « On boira aussi un peu de vin ».

Aujourd’hui, même si « Ira » a encore du mal à réaliser qu’elle est au Canada, elle se dit fière de ce qu’elle a accompli.