Ainsi, une soixantaine de personnalités ont publié le 17 avril une lettre pour exhorter le gouvernement fédéral à investir d’urgence dans le réarmement des Forces armées canadiennes. Parmi les signataires se trouvent cinq anciens ministres libéraux et conservateurs de la Défense et neuf anciens chefs d’état- major.
Les signataires fondent leur appel sur d’importants dangers qui se multiplient dans le monde, en particulier la guerre en Ukraine et les politiques expansionnistes de la Chine. Ils tiennent à rappeler qu’en 2014, le Canada et ses alliés se sont engagés à consacrer l’équivalent de 2 % de leur produit intérieur brut à des investissements militaires. Or le Canada aurait dépensé seulement 1,29 % de son PIB en 2022-2023, une différence de 21 milliards $ d’après les calculs de l’OTAN.
Ils exhortent donc le gouvernement de Justin Trudeau d’accélérer l’achat ou le renouvellement du matériel militaire comme, par exemple, les 88 chasseurs F-35 pour remplacer la flotte des chasseurs F-18 technologiquement dépassés, le remplacement de navires de guerre et la mise à niveau des systèmes de surveillance et d’alerte du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord.
Comme pour appuyer cette démarche, le Washington Post publiait quelques jours plus tôt des documents confidentiels du Pentagone qui indiquaient, entre autres, que Justin Trudeau avait déclaré en privé aux responsables de l’OTAN que le Canada n’atteindrait jamais l’objectif de dépenses militaires de 2 % du PIB. De plus, les États-Unis estiment les Forces armées canadiennes sous-financées et mal équipées. Et l’OTAN serait « préoccupée » par le fait que le Canada n’a pas renforcé son appui militaire en Lettonie. C’est dire si la capacité des Forces armées canadiennes est très limitée.
Le Canada affiche depuis longtemps avec une légitime fierté son remarquable engagement dans deux guerres mondiales et la guerre de Corée. Et, depuis la crise du canal de Suez en 1956 lorsque le Canada a joué un rôle de leadership dans la création d’une force d’urgence, beaucoup de Canadiens ont vu les opérations de maintien de la paix comme une partie intrinsèque de l’identité nationale. Or aujourd’hui, le Canada ne fournit que très peu de casques bleus dans des missions de maintien de la paix.
La cote de popularité du gouvernement n’augmenterait pas sensiblement s’il dépensait beaucoup plus pour les Forces armées. Il est cependant impératif qu’il prenne plus au sérieux les réalités géostratégiques contemporaines. Et cela pourrait vouloir dire que le temps est venu pour le Canada de réviser sa pensée stratégique et de mieux assumer ses responsabilités dans la sécurité collective des États du camp démocratique.