Ginette Petitpas Taylor, la ministre des Langues officielles, et le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau ont dévoilé le 26 avril, le Plan d’action pour les langues officielles 2023- 2028. Intitulé : Protection – Promotion – Collaboration, ce nouveau Plan d’action pour les langues officielles cherche à renforcer la protection des deux langues officielles du pays. Il vient également avec un nouvel investissement de 1,4 milliard $ sur cinq ans, portant le financement total à 4,1 milliards $.
En parallèle du dévoilement de ce Plan, le projet de loi C-13, qui vise à la modernisation de la Loi sur les langues officielles, est discutée à la Chambre des Communes.
En tout et pour tout, le Plan d’action propose une trentaine de mesures articulées autour de quatre axes : Immigration francophone : vers le rétablissement du poids démographique des francophones; Du berceau à la berçante : favoriser les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie; Des mesures fortes pour appuyer la vitalité des communautés; Mener par l’exemple : agir et collaborer pour renforcer les communautés.
Des axes qui résonnent pour la Société de la francophonie manitobaine (SFM) comme l’indique son directeur général adjoint, Jean-Michel Beaudry. « Les axes proposés par le Plan ressemblent beaucoup aux enjeux dont nous avions fait part à la ministre Ginette Petitpas Taylor lors de sa venue à Winnipeg pour les consultations. Le seul point qui manque c’est au niveau d’une cible pour l’immigration. Mais le dossier est dans les mains du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada.
« Le plan stratégique de la francophonie manitobaine va dans la même direction que le Plan d’action. »
Un bon début
Parmi les investissements annoncés, le Fédéral promet 62,5 millions $ sur cinq ans pour bonifier le financement de base des organismes communautaires. Avec une bonification maximale de 25 %. Jean-Michel Beaudry y voit un engagement de la part du gouvernement fédéral. « C’est évidemment un pas dans la bonne direction. Je pense que dans un sens l’investissement va véritablement avoir un impact. Pensons aux petits organismes qui se saignent pour leur financement, ils vont pouvoir souffler. »
Cependant les 62,5 millions $ supplémentaires sont loin de ce que demandait la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), comme Jean-Michel Beaudry le rappelle :
« La FCFA demandait 300 millions $ pour la viabilité des organismes qui offrent des services sur le terrain. Nous sommes victimes de notre succès parce que les organismes accomplissent énormément depuis longtemps avec très peu. Sauf que ce n’est pas viable sur le long terme si on veut desservir correctement les communautés dans leur ensemble. »
Outre ce bémol, le directeur général adjoint de la SFM souligne aussi qu’un travail continu avec la Province va devoir se faire pour distribuer les fonds envers la francophonie.
Travail continu
« Une crainte est que beaucoup de financement vient des transferts aux Provinces. La SFM et la communauté ont encore du travail à faire pour s’assurer que ce nouveau financement est distribué conformément aux priorités de la communauté. Nous allons devoir retourner à la table avec la Province et continuer de discuter pour les services en français. »
En effet, une grande partie des fonds du Plan d’action font l’objet de transferts vers les Provinces et Territoires pour appuyer leurs propres initiatives en matière de langues officielles, comme celles, par exemple, destinées à l’enseignement, l’immigration ou encore le développement des communautés.
Raymond Hébert aimerait voir plus d’engagement du côté des Provinces et des Territoires. « Je pense que les gouvernements pourraient améliorer les mécanismes d’imputabilité des Provinces dans l’utilisation des fonds provenant de transferts du Fédéral pour assurer qu’ils soient utilisés pour implanter des programmes dans les deux langues officielles. Que ce soit en éducation, en santé, etc.
« En plus de l’imputabilité, il serait bon d’améliorer la transparence de l’utilisation des fonds. »
Pas sur un pied d’égalité
Depuis plusieurs années, la SFM fait pression pour faire reconnaître que le français ne connaît pas les mêmes défis que l’anglais au Canada. Pour Jean-Michel Beaudry, ce Plan d’action le reconnaît. « Nous sommes très heureux de l’investissement de cette ampleur dans les langues officielles. Il y a aussi une reconnaissance que le français hors Québec est dans une situation de précarité qui est différente de celle de l’anglais au Québec. Cette différence fait qu’il faut des ressources additionnelles pour que le français revienne sur un pied d’égalité. »
Cependant, une haute fonctionnaire du ministère du Patrimoine canadien indiquait à des journalistes de La Presse dans une séance de questions qu’environ 20 % de l’enveloppe devrait être attribuée pour soutenir l’anglais au Québec. Raymond Hébert, professeur émérite en sciences politiques de l’Université de Saint-Boniface, tient à rappeler que « ce pourcentage semble relativement constant au fil des années. La raison est que le gouvernement du Québec a toujours affirmé qu’il traitait mieux leur minorité anglophone que les Provinces anglophones traitaient leurs minorités francophones. Il faut reconnaître qu’ils ont un réseau d’hôpitaux qui sont excellents, un réseau d’écoles anglophones, des universités, etc. Au Manitoba, nous avons bien sûr une université francophone. Mais plus à l’Ouest, il y a très peu d’infrastructures pour les francophones. »
Justin Trudeau, Premier ministre et Ginette Petitpas Taylor ont d’ailleurs reconnu, dans leurs discours d’introduction du Plan d’action, que les deux langues ne con- naissaient pas les mêmes défis dans les communautés en situation minoritaire.
Quelques chiffres du Plan d’action 2023-2028
- 13,4millions $ sur cinq ans pour une politique en matière d’immigration francophone;
- 16,3millions $ sur cinq ans pour la sélection et la rétention d’enseignants de français;
- 25 millions $ sur cinq ans pour la création d’un nouveau Centre d’innovation en immigration francophone;
- Jusqu’à 147,8 millions $ sur cinq ans pour l’appui au continuum en éducation dans la langue de la minorité;
- Jusqu’à 128millions $ sur quatre ans pour l’éducation postsecondaire;
- 50 millions $ sur cinq ans pour un réseau d’intervenants en petite enfance; 8,5 millions $ sur cinq ans pour soutenir la recherche en français au Canada;
- 6,5 millions $ sur quatre ans pour la formation et l’intégration de main-d’œuvre bilingue en santé;
- Jusqu’à 98,2 millions $ sur cinq ans pour appuyer la vitalité des CLOSM;
- 5 millions $ sur cinq ans pour bonifier le programme PassepART;
- 11,3 millions $ sur cinq ans pour renforcer la capacité bilingue du système de justice;
- 20,1millions $ sur cinq ans pour la création d’un Centre de renforcement de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.