Ce projet de loi vient en quelque sorte renforcer la logique qui prévalait il y a 54 ans lors de la première mouture de cette Loi. Car dans les deux cas, les préoccupations du Québec ont dominé les débats parlementaires. En 1969, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau avait voulu contrecarrer une vague séparatiste au Québec en entamant une modification progressive du visage du gouvernement fédéral ; un gouvernement où l’anglais était prédominant devait dorénavant servir le public dans la langue officielle de son choix.
Et pour démontrer aux Québécois que le français avait droit de cité coast to coast, il a, à modeste prix, commencé à financer les organismes communautaires francophones à l’extérieur du Québec, eux qui végétaient souvent avec des moyens très modestes et qui dépendaient en grande partie de bénévoles dévoués pour survivre.
Aujourd’hui, le projet de loi C-13 reconnaît enfin que le français est la seule langue officielle au Canada qui est menacée. Ce qui devrait mettre fin au discours officiel du gouvernement qui, depuis l’adoption initiale de la loi, avait prétendu qu’il y avait une relation symétrique entre la situation des anglophones au Québec et celle des francophones hors Québec. Or jamais la langue anglaise au Québec n’a été menacée comme l’a été et l’est encore la langue française dans les autres provinces.
Dans les débats qui ont mené à l’adoption du projet de loi, le Québec n’a pas réussi à faire du français la langue officielle et commune des entreprises de compétence fédérale au Québec, mais il a pu convaincre le gouvernement fédéral d’harmoniser la réforme de sa Loi avec la Charte de la langue française.
Ainsi, le droit des francophones de travailler en français dans les entreprises à charte fédérale sera maintenant garanti tant au Québec que « dans les régions à forte présence francophone » à l’extérieur du Québec. C’est ce compromis entre le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau et les partis d’opposition qui a enfin permis l’adoption du projet de loi à la Chambre des communes.
Comme en 1969, les préoccupations du Québec se sont retrouvées au centre des débats parlementaires sur la Loi sur les langues officielles. Les francophones hors Québec ont raison d’accorder une grande importance à cette loi, mais les débats des dernières semaines nous rappellent que le Québec reste toujours incontournable. Résultats d’un compromis, les amendements à la Loi, lorsque le Sénat les aura adoptés, devraient marquer une amélioration importante dans la reconnaissance du statut de nos deux langues officielles à l’échelle du pays.
Pourvu évidemment que la volonté politique soit au rendez-vous.