Phénomène appelé technoférence, les parents qui passeraient davantage de temps sur leur écran influenceraient le développement de leur enfant. Depuis maintenant trois ans, Caroline Fitzpatrick suit environ 200 familles néo-écossaises qui ont accepté de participer à l’étude. « Initialement, je voulais mieux comprendre si la télévision pouvait contribuer au développement des enfants. C’était quand même déjà bien documenté.

« Mon intérêt de la technoférence est venu par observation. On a tous et toutes déjà vu des parents être sur leur écran en présence de leurs enfants. Alors je me demandais si l’utilisation de la technologie par les parents pouvait avoir un impact sur le développement des enfants. »

Pour répondre à cette question, Caroline Fitzpatrick, sa collègue Élizabeth Harvey de l’Université de Sainte-Anne et l’étudiante Alexa Johnson ont suivi un groupe d’enfants. La première phase s’est déroulée en 2020 auprès d’enfants âgés en moyenne de trois ans et demi.

Un an plus tard, elles sont revenues pour mesurer le développement des enfants à l’aide d’un questionnaire nommé Ages & Stages.

Les premières conclusions ont suivi : « Les parents qui rapportaient passer plus de temps devant les écrans avaient des enfants qui avaient des scores plus faibles sur Ages & Stages.

« Plus le parent passe du temps sur son écran, plus l’enfant a des scores faibles dans son développement global. Le développement global concerne son développement moteur, sa communication, sa résolution de problèmes et son développement social. »

Qualité des interactions

La qualité des interactions entre les parents et les enfants sont donc vitales pour le bon développement global d’un enfant, comme le souligne Caroline Fitzpatrick.

« L’environnement familial numérique est tout aussi important que ce que fait l’enfant. Si la télévision est sans cesse allumée, ou bien si le parent s’interrompt au milieu d’une conversation parce qu’il reçoit une notification, toutes ces interruptions vien- nent nuire à la qualité des interactions.

« Il faut savoir qu’à cet âge-là, avoir de vraies interactions avec de vraies personnes est tellement important pour les enfants. »

D’autres études ont montré que lorsqu’un parent est distrait par son téléphone, il est possible qu’il manque des

moments d’apprentissage avec son enfant. Caroline Fitzpatrick explique ce que représentent ces petits moments d’absence. « Des études très contrôlées ont montré que les enfants étaient souvent très déstabilisés lorsque leurs parents ne montraient aucune émotion lors d’interactions.

« C’est ce qui arrive avec le téléphone. L’enfant cherche le regard du parent, une émotivité, et il voit simplement un regard détourné sur le téléphone. C’est dommageable pour le développement des émotions des enfants. »

Des pistes de réflexion

Pourtant, la chercheuse reste optimiste et offre des pistes de réflexion. « Mon but, c’est de travailler à ce que les enfants aient les meilleures conditions pour commencer l’école. Évidemment, il y a d’autres facteurs que les écrans. Mais c’est plus facile de commencer par revoir ses habitudes médiatiques. C’est un début.

« Il y a des parents qui sont très ouverts à ces discussions et d’autres qui se disent que les écrans sont là pour rester, alors autant vivre avec. Il faut offrir aux parents des alternatives aux écrans. D’autres moyens de partager du temps avec son enfant existent.

« Dans notre étude, on a montré que les parents qui avaient des règles claires sur les écrans avaient des enfants avec un bon score de développement global. Que ce soit des règles claires pour les enfants ou pour eux-mêmes. »

Caroline Fitzpatrick espère pouvoir creuser davantage son étude avec un nouveau suivi auprès des enfants à l’avenir. « Nous venons de terminer un nouveau suivi avec ces familles- là. Les enfants ont maintenant cinq ans et demi. Nous voulions voir comment ils s’adaptent à l’école.

« Malheureusement, chaque année, nous perdons quelques familles dans les suivis. Au début, l’étude portait sur 315 familles. Évidemment, j’aimerais faire un quatrième suivi avec les enfants. Je ne ferme pas la porte à cette option, bien que je sois à Sherbrooke désormais. »