Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Sous-financement chronique, infrastructures vieillissantes, manque de main-d’œuvre, voilà ce que dénonce la directrice générale de la Manitoba Association of Residential and Community Care Home for the Eldery (MARCHE), Julie Turenne-Maynard. « Il faut savoir que la majorité des infrastructures existantes datent des années 1970. Elles sont donc assez vieillissantes. À l’époque, les foyers étaient conçus comme des institutions plus que comme des maisons.
« De plus, les standards ne sont pas les mêmes dans tous les foyers. Aujourd’hui, il est possible de voir trois ou quatre résidents dans la même chambre avec une salle de bain partagée. Ce n’est pas de la dignité. »
Lancée dans un plaidoyer, Julie Turenne-Maynard poursuit les revendications voulues par MARCHE. « Dans le rapport Stevenson, il y a une recommandation d’augmenter les heures passées avec un patient de 3,6 à 4,1. Sauf qu’il faut davantage de personnel pour passer plus de temps avec les patients. Cette mesure va certainement prendre du temps avant d’être complètement implantée.
« Il faut un investissement réel pour les ressources humaines dans les foyers de soins de longue durée. »
Agences de placement
Le problème des ressources humaines est grandissant depuis l’apparition et la multiplication d’agences privées de placement pour les infirmières. Julie Turenne-Maynard explique : « Beaucoup d’infirmières et d’infirmiers du secteur public ont été épuisé.es avec la pandémie de COVID-19. Ces personnes ont juste décidé de ne plus être mandatées et de se mettre en disponibilité avec des agences privées de placement. Sauf que c’est une transition extrêmement coûteuse pour les foyers de soins de longue durée. Parce qu’elles se font payer deux fois plus que celles qui sont employées par un foyer.
« Déjà avant la pandémie, c’était un système qui existait. Mais il n’y avait que très peu d’agences. Depuis la pandémie, il y a eu une explosion au point où c’est au détriment des foyers. »
Un problème que dénonce Yann Boissonneault, directeur général de la Villa Youville. « Le recrutement est extrêmement difficile pour deux principales raisons. Premièrement, nous sommes au rural et deu- xièmement, nous sommes un établissement francophone. C’est donc difficile de recruter du personnel francophone pour venir au rural.
« Au-delà des postes à combler, le problème vient des remplacements pour les fins de semaine et les congés de maladie. Nous devons faire appel à ces agences privées de placement lors d’une absence, sauf que ça coûte deux fois plus cher. De plus, il semble que les aides en soins de santé se tournent également vers ces agences. »
En 2020-2021, le gouvernement du Manitoba a dépensé 27 millions $ pour des infirmières du secteur privé travaillant dans le secteur public. En 2021-2022, cette somme a atteint 40,9 millions $.
Des coupures
Pour Julie Turenne-Maynard, avoir recours à des agences de placement est le résultat d’un sous-financement chronique. Depuis 2008, le budget opérationnel des foyers de soins de longue durée n’a pas été revalorisé. « Avec l’inflation des années, il est certain que le budget actuel n’est pas suffisant pour permettre aux foyers de soins de longue durée d’offrir des conditions de vie décente pour les résidents.
« Tout a augmenté, alors ce n’est pas possible de demander aux foyers de vivre avec la même somme depuis 15 ans. C’est une pression importante sur les opérateurs des foyers. »
Yann Boissonneault appelle alors à la vigilance du public et à son engagement. « Si tout notre personnel de santé se dirige vers le privé, on est foutu. Il n’y a pas d’autres mots. Nous ne pourrons pas supporter les coûts. La solution semble simple : il faut se débarrasser de la multitude d’agences. Mais il faut que cet effort se fasse au niveau canadien. Sinon nos infirmières et infirmiers vont partir du Manitoba.
« Au départ, ces agences ont été mises sur pied à la suite de coupures faites dans le système de santé manitobain. Pour se protéger, certaines infirmières et certains infirmiers se sont organisés pour être seulement contractuels.
«Encemoment,ilya beaucoup d’annonces de projets pour la santé. Mais rappelons que des engagements à six mois des élections, ça ne vaut pas dix ans de coupures. »
Julie Turenne-Maynard rejoint Yann Boissonneault, elle souhaite également que l’approche d’une élection provinciale vienne remettre de l’avant l’enjeu des foyers de soins de longue durée. « C’est important de lancer notre appel à l’action maintenant. Les impacts de la COVID-19 se font encore ressentir dans les foyers. Et avec l’approche d’une élection provinciale, on espère que les Manitobains interpelleront les candidats de leur circonscription sur cette réalité (1). »
Proactivité des foyers
Du côté de la Villa Youville, Yann Boissonneault explique qu’un plan existe pour éviter que les personnes s’en aillent vers des agences de placement. « Est-ce qu’il fonctionne aussi bien qu’on le souhaiterait? Non. Mais nous sommes à l’écoute. Par exemple, il y a un plan d’ajouter une garderie pour les employés. Il y a une nouvelle bâtisse en construction pour les résidents et pour que le personnel soit plus à l’aise. Ce sont des incitatifs autres que le salaire, car je dois l’avouer, je ne peux pas payer aussi bien que les agences de placement.
« Côté éducation, il y a une volonté de travailler avec la Division scolaire franco- manitobaine et l’Université de Saint-Boniface pour de la formation au rural. Nous sommes prêts à les aider à payer leurs études. Ce sont des pistes que nous suivons. Mais ce sont des solutions à long terme. »