Par Antoine CANTIN-BRAULT
Il reste que le slogan n’est pas tout à fait clair. On peut y voir un enjeu économique : réduire l’argent que les individus versent au gouvernement, via les impôts et les taxes. Tout comme on peut comprendre une revalorisation de la liberté individuelle et une diminution de l’intervention morale, sociale ou politique de l’État sur cette liberté. Ainsi, « moins de gouvernement » nous engagerait en direction du libertarianisme.
Mais « moins de gouvernement » peut aussi nous entraîner dans une toute autre direction : celle du totalitarisme. En effet, avoir « moins de gouvernement » peut aussi signifier réduire la taille du gouvernement lui-même. Au bout du compte, le moins de gouvernement possible aboutirait à la personne unique du tyran, celui qui concentre tous les pouvoirs. Résultat : les individus perdraient alors leur liberté au profit de décisions arbitraires.
Quand ces deux directions du « moins de gouvernement » coexistent, il se produit une contradiction tout à fait antidémocratique. On a pu le constater sous le régime Trump. Alors qu’il cherchait d’un côté à dérégulariser plusieurs aspects de l’économie (surtout par rapport au respect de l’environnement), de l’autre côté, Trump cherchait à imiter les tyrans de ce monde en se plaçant au-dessus des lois.
À moins grande échelle bien sûr, on a pu observer cette contradiction ici même au Manitoba. Alors que le gouvernement progressiste-conservateur de Pallister (et Stefanson…) a procédé à des coupes budgétaires dans plusieurs secteurs publics, notamment en éducation, il a aussi voulu, en santé, centraliser les décisions en créant Shared Health/Soins communs et en réallouant les ressources humaines selon son bon vouloir. Une politique qui a grandement diminué les possibilités pour les personnes qui connaissent bien leur milieu de travail de développer leurs propres initiatives.
La démocratie a pour valeur fondamentale l’égalité. Pour être respectée, l’égalité engage à une dignité de la personne et de l’environnement qui exige l’intervention étatique. Pour être fortes, les institutions démocratiques doivent à la fois être actives dans la promotion de la justice sociale et libres, c’est-à-dire ouvertes à tous et toutes.
Derrière la volonté d’avoir « moins de gouvernement » se cache souvent une volonté de régner sans rival. Alors que la démocratie, qu’on le veuille ou non, exige toujours qu’il y ait un rival avec qui il faut, pour respecter sa propre dignité, dialoguer attentivement et sérieusement.