Proposée aux aîné.e.s avec un revenu inférieur à 80 000$ et qui ont 65 ans et plus, cette subvention du gouvernement du Manitoba tente d’aider les personnes avec des problèmes d’audition.
Pourtant, pour Jo-anne Jones, présidente de la branche manitobaine de l’Association canadienne des malentendants, la Province a encore du pain sur la planche. « Actuellement, au Manitoba, le plus gros problème est que les appareils auditifs ne sont pas considérés comme une nécessité médicale. Ce qui veut dire qu’ils ne sont pas couverts par Santé Manitoba.
« Alors la subvention vient soulager quelques aîné.e.s. Mais rappelons que pour l’obtenir, il ne faut pas que les personnes aient déjà acheté leurs appareils. Ils doivent remplir un dossier administratif et attendre une réponse du gouvernement du Manitoba pour connaître le montant qui leur est attribué. »
En moyenne, un appareil auditif, pour une oreille, peut coûter entre 995 $ et 4 000 $ suivant les options.
« J’étais enseignante et un jour, mon appareil se coupe en plein milieu d’un cours. En effet, avec la chaleur, il y avait de l’humidité dans mon oreille et l’appareil s’est arrêté parce que la pile était déchargée. Ce sont des petites choses à savoir qui font toute la différence. »
Jo-anne Jones
Travail d’information
La branche manitobaine travaille activement à informer les personnes sur les différents appareils auditifs.
« Je vais prendre mon cas en exemple. Je suis appareillée depuis plusieurs années, et au début, j’avais un appareil à l’intérieur de mon oreille et je n’étais pas assez informée sur les appareils auditifs. J’étais enseignante et un jour, mon appareil se coupe en plein milieu d’un cours. En effet, avec la chaleur, il y avait de l’humidité dans mon oreille et l’appareil s’est arrêté parce que la pile était déchargée. Ce sont des petites choses à savoir qui font toute la différence.
« Notre travail avec l’Association consiste à donner le maximum d’information, en expliquant les différences, les avantages et les inconvénients des appareils. »
En effet, il existe autant d’appareils que de personnes qui en ont besoin. Avec le temps, ces appareils ont d’ailleurs bien évolué. « Depuis maintenant plusieurs années, la technologie a fait d’énormes progrès dans les appareils auditifs. Il en existe qui sont connectés à nos téléphones intelligents, ce qui permet de contrôler le niveau de son, la direction d’où provient le son ou encore de transcrire sur le téléphone notre conversation.
« Évidemment, tout ceci a un coût. Par exemple, mes appareils ont toutes les options que j’ai décrites précédemment. Ils m’ont coûté 7 000 $. »
Quelle prise en charge?
Et si le Manitoba a fait un pas en avant avec le programme de subventions, pour Jo-anne Jones, la Province peut mieux faire en s’inspirant d’autres Provinces.
« Il faut rappeler que le programme de subventions exclut encore une partie de la population, comme les gens âgés de 18 à 64 ans. Sauf que les problèmes d’audition ne démarrent pas à l’âge de 65 ans, il y a des jeunes qui en souffrent. S’ils ne reçoivent pas d’aide, ils vont devoir contracter des dettes pour se payer des appareils auditifs, parce qu’ils en ont besoin pour leur vie quotidienne.
« Le gouvernement du Québec reconnaît les appareils auditifs comme une nécessité médicale, donc leur programme vise toute la population. Il les rembourse, ainsi que les différents frais liés à ces appareils.
« Le Nouveau-Brunswick offre une couverture pour l’achat et l’entretien non couverts par d’autres organismes ou régimes d’assurance-maladie privés, ainsi qu’une aide à hauteur de 1 000 $ pour ceux qui ont une assurance privée mais pour qui le dépassement de frais entraînerait des difficultés financières. »
Le programme de subventions du Manitoba étant assez récent, des Manitobain.e.s ont dû pendant longtemps prendre à leur charge le coût des appareils. C’est le cas de Gilles Fréchette, appareillé depuis quatre ans. « À l’époque, il fallait vraiment avoir une assurance privée pour se payer les appareils, parce que la Province ne contribuait pas à l’achat. De mon côté, j’en possédais une donc la question des frais ne se posait pas vraiment. »
« De mon côté, les appareils ont vraiment pu m’aider, j’ai retrouvé goût à la musique, j’entends tous les sons. C’est merveilleux. Après quatre ans, je continue de m’émerveiller sur les sons que je peux entendre. »
Gilles Fréchette
Acouphènes
Gilles Fréchette fait partie des 8,2 millions de Canadiens qui souffrent d’une perte auditive légère dans la bande de hautes fréquences.
« Tout est parti à la suite d’un atterrissage en avion où mes oreilles ont mis plusieurs jours à se déboucher. Je voyageais beaucoup et mes oreilles mettaient toujours de quelques heures à une journée pour se déboucher. Mais là, c’était vraiment quelques jours. Par la suite, j’ai eu des acouphènes.
« Les acouphènes n’étaient pas constants. Il y a des jours où ils étaient plus forts que d’autres. Parfois même, mes oreilles étaient comme bouchées. J’ai alors consulté plusieurs spécialistes, neurologues, otorhino-laryngologistes, qui m’avaient fait comprendre qu’il n’y avait pas grand-chose à faire à l’époque. C’était il y a plus de 15 ans. »
Mais Gilles Fréchette continue de suivre des méthodes pour réduire le bruit des acouphènes. « À un moment donné, j’entends parler de prothèses auditives qui peuvent les atténuer.
« Quand j’ai su que ces prothèses existaient, je suis allé voir un audiologiste. Après des tests, le médecin m’a demandé de mettre un appareil qui, je pensais, allait masquer les acouphènes. Mais en fait non, c’était un appareil qui allait compenser pour les fréquences que je n’entendais plus ou peu. Parce qu’en marge des acouphènes, je perdais l’audition au niveau des hautes fréquences. »
Un renouveau
Jo-anne Jones tient à être claire sur l’utilité des appareils auditifs. « Peu importe à quel point, les appareils seront performants. Mais les appareils auditifs ne rendent pas une audition parfaite. Quand on entend parfaitement, on capte tous les sons, les conversations, etc.
« Lorsqu’il y a une perte d’audition, le conduit auditif est abîmé et l’appareil ne peut pas le réparer, il peut simplement aider et rendre la vie plus agréable pour les personnes qui en ont besoin. »
Rendre la vie plus agréable, Gilles Fréchette en est convaincu.
« J’imagine que chaque cas est différent. De mon côté, les appareils ont vraiment pu m’aider, j’ai retrouvé goût à la musique, j’entends tous les sons. C’est merveilleux. Après quatre ans, je continue de m’émerveiller sur les sons que je peux entendre.
« Au début, c’était beaucoup trop de bruit pour moi. J’entendais des sons que je n’avais plus entendus depuis longtemps. Par exemple, dans un magasin, je n’entendais plus les pas des gens ou même le froissement du linge que je portais. C’était extraordinaire d’entendre de nouveau. Je me suis donné le temps de m’y habituer. Tout s’est équilibré et les acouphènes ont été grandement atténués. »
Parce qu’en effet, la perte d’audition peut mener à des comportements de repli sur soi, comme le partage Gilles Fréchette.
Fatigue
« À un moment donné, je ne prenais plus de plaisir dans les activités que j’avais l’habitude de faire, comme assister à une pièce de théâtre, à un spectacle, à un concert. Je n’y allais plus parce que je n’étais plus capable de suivre. Et en même temps, j’étais devenu très sensible aux sons forts, comme au cinéma. C’était trop pour moi. J’avais donc laissé les activités auditives pour des activités silencieuses.
« Quand je sortais à la fin de la journée, j’étais vraiment épuisé. Ça me demandait beaucoup d’efforts de tenir des conversations, de participer à des évènements. Même pour les gens à qui je demandais de répéter parce que je n’avais pas entendu, j’imagine que c’était épuisant, bien que les gens étaient très gentils. Depuis que j’ai les appareils, je ne suis plus fatigué de cette manière. C’est formidable. »
Jo-anne Jones confirme l’importance de porter des appareils auditifs lorsque nécessaire.
« Ne pas entendre correctement pourrait impacter la vie sociale des personnes. Elles vont se renfermer sur elles-mêmes, ce qui peut conduire à de la dépression. Il y a aussi plusieurs études qui montrent que le fait de ne pas entendre peut augmenter les risques de démences ou de développer Alzheimer.
« Les personnes malentendantes peuvent arrêter de faire des activités qu’elles avaient l’habitude de faire parce qu’elles n’entendent pas ou parce que dans un endroit avec du bruit, elles ne vont pas se sentir à l’aise. Elles vont avoir tendance à éviter des situations qui les mettent en position de stress. Alors il est important que les appareils auditifs soient reconnus comme une nécessité médicale et qu’ils soient financièrement plus accessibles. »
Phonocapteur, une technologie en développement
Parmi toutes les options offertes pour les appareils auditifs, Jo-anne Jones, présidente de la branche manitobaine de l’Association canadienne des malentendants, insiste sur une en particulier.
« Nous recommandons aux gens d’avoir un phonocapteur dans leur appareil auditif. En effet, le phonocapteur permet l’interaction d’une prothèse auditive avec un téléphone ou avec des boucles d’induction dans les espaces publics.
« Par exemple, si je suis à la pharmacie et qu’ils ont une signalétique pour des boucles d’induction, tout le bruit autour est effacé et je peux me concentrer sur ce que dit le pharmacien. C’est un outil qui est absolument essentiel. Il y a beaucoup de personnes malentendantes qui sont hospitalisées parce qu’elles n’ont pas compris les instructions du pharmacien ou du médecin.
« C’est quelque chose qui devrait être implanté partout dans la société.
Pour l’instant c’est surtout présent dans les musées ou les pharmacies. Mais imaginez-vous dans un taxi qui n’a pas ce système, la prothèse auditive ne va pas capter le son de la voix du conducteur qui va vers l’avant et le conducteur ne va pas se tourner vers vous pendant qu’il conduit. Les boucles d’induction sont à mon sens essentielles pour une vraie inclusion des malentendants dans notre société. »
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté