Dans le plus récent sondage de Probe Research, le Nouveau Parti démocratique (NPD) du Manitoba récoltait 49 % des intentions de vote des Manitobains. Or, la frange des 18-34 ans est celle qui participe le moins lors des élections.
Les partis tentent depuis plusieurs années de les rejoindre par différents moyens, dont les réseaux sociaux qui prennent de plus en plus de place dans les campagnes électorales. C’est en tout cas ce que constate Colette Brin, professeure titulaire et directrice du Centre d’études sur les médias à l’Université Laval.
« Il y a une bonne partie de l’électorat qui s’informe principalement sur les réseaux sociaux. Les partis essaient de convaincre les électeurs qui leur sont fidèles d’aller voter, de poser le geste. Mais ils essaient aussi de convaincre les électeurs qui sont indécis, qui sont peut-être un peu moins politisés.
« Et c’est probablement dans ce groupe-là que l’enjeu est le plus fort. Ce sont des gens qui ne sont pas nécessairement très intéressés par l’actualité, par la politique. Mais qui reçoivent l’information à travers les réseaux sociaux, un peu de manière circonstancielle, parce qu’ils ne sont pas nécessairement abonnés à des comptes politiques. »
De nouvelles stratégies
Il semblerait d’après la professeure que ce soient surtout les jeunes qui auraient plus tendance à s’informer de manière passive en faisant défiler des vidéos ou des nouvelles, par exemple. Et ça, les partis l’ont bien compris, à commencer par le NPD qui possède un compte TikTok. Une bonne stratégie selon Colette Brin. D’ailleurs, Wab Kinew et Dougald Lamont ont des comptes TikTok actifs. « TikTok, c’est une excellente stratégie. Parce qu’effectivement, il y a beaucoup de jeunes qui l’utilisent. Évidemment pas d’abord comme une source d’information, mais tant qu’ils sont sur TikTok, ils s’informent de manière passive. Après, je me questionne si beaucoup de jeunes s’abonnent à des comptes de politiciens?
« Il faut aussi souligner que les jeunes ne vont pas sur les médias traditionnels. Ils ne s’informent même pas sur les plateformes numériques des médias traditionnels. »
Colette Brin reconnaît cependant que TikTok n’est pas une source d’information fiable. Elle s’inquiète aussi de voir que la population canadienne ne reconnaît pas l’importance des médias traditionnels dans la couverture électorale ou dans la diffusion de nouvelles.
« Je dirais que le problème est plus large. En fait, les jeunes, et même la population en général, n’accordent pas une très grande valeur à l’information journalistique. Ça ressortait très clairement dans un sondage du 20 septembre mené par la firme Léger : ils accordent une valeur symbolique, mais ils ne voient pas de valeur monétaire à cela. Alors ils pensent que l’information devrait être gratuite. »
Blocage de Meta
Pendant que cette campagne électorale se déroule sur les réseaux sociaux, les médias traditionnels, eux, ont un accès limité à plusieurs plateformes, dont celles de la société Meta qui possède Facebook et Instagram. Un blocage qui fait défaut dans la démocratie.
Colette Brin pense que ce blocage peut certainement jouer en faveur de certains partis. « C’est peut-être aussi dans l’intérêt de certains partis qu’il n’y ait pas d’information qui circule. Mais je ne pense pas que ça soit dans l’intérêt de la démocratie ou du public.
« Plus largement, quand des médias traditionnels partagent des articles sur les réseaux sociaux, c’est aussi un moyen de rectifier les faits. On sait qu’une fausse nouvelle voyage très vite. Sans nouvelle fiable sur les réseaux sociaux, j’ai peur de la dégradation du débat public. »
La place prise par les réseaux sociaux dans les campagnes électorales remet en question les traditionnels débats télévisés des chefs de partis. Cette année, le Manitoba a eu un seul débat, diffusé sur CBC Manitoba. Colette Brin y voit peut-être une transformation du monde politique. « Je pense effectivement que la question d’un format sur des plateformes, ou des versions qui ciblent peut-être un peu plus les jeunes, seraient intéressants.
« Il serait bienvenu aussi de sortir un peu les politiciens de leur environnement naturel et de les envoyer vers d’autres plateformes. Certains le font déjà, plus à des fins de promotion. Mais le faire dans le contexte d’un débat, ça pourrait attirer des jeunes qui apprécieraient le côté moins formel. Il faut cependant faire attention à ne pas tomber dans le cliché de vouloir être cool comme les jeunes et perdre un côté authentique. »
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