Nichés au coeur du Parc Assiniboine, les nouveaux locaux du Centre Toba se veulent un lieu de guérison pour les enfants victimes de violences et/ou d’abus. Mais aussi pour leurs familles.
Chaque année, au Manitoba, plus de 4 000 enquêtes ont lieu pour des suspicions de maltraitances sur enfants. Il s’agit des cas qui sont rapportés. Le chiffre est donc sous-estimé. Les besoins du Centre Toba étaient alors devenus trop importants pour leurs anciens locaux. Une situation que la directrice générale a déploré lors de l’ouverture du Centre au début du mois de septembre.
« Comment sommes-nous censés célébrer l’ouverture d’un centre dont on aimerait qu’il n’ait pas à exister? »
Ce nouveau centre se veut une innovation dans son approche pour la guérison, comme le souligne Amanda Meikle, coordonnatrice de l’engagement communautaire. « Sous un même toit sont réunis : le service de lutte contre la maltraitance des enfants de la police de Winnipeg, la GRC, la police des Premières nations du Manitoba, la police de Brandon et des médecins afin que les enfants n’aient pas besoin d’aller à l’Hôpital pour enfants de Winnipeg pour se faire examiner. Et il y a tout notre personnel de soutien du Centre Toba qui travaille directement avec les enfants et les familles qui traversent cette difficile situation. »
Un parcours de guérison
Chaque situation étant évidemment unique, le Centre Toba modèle un parcours de guérison suivant les besoins des enfants et des familles. « Certaines familles ont davantage besoin d’aide au début, d’autres ont des besoins ponctuels. Nous sommes là pour les soutenir à tout moment. »
Si la décision a été prise de rassembler tous ces acteurs qui travaillent à la défense des enfants sous un même toit, c’est parce que le parcours était jusqu’alors très éprouvant. « Un enfant devait parfois répéter son histoire plusieurs fois. Lorsqu’il allait à l’hôpital, à la gendarmerie, etc. Ce qui lui faisait revivre le traumatisme à plusieurs reprises. Il y avait des manques énormes. Désormais, tous les services sont réunis sous un toit, pour écouter une seule fois l’histoire des enfants et prendre en charge leur guérison », comme l’explique Amanda Meikle.
Cette volonté de réunir ces acteurs partait aussi d’une intention de changer l’image du Centre Toba. « C’est parfois effrayant d’appeler des services de la protection de l’enfance. Notre espoir, avec ce centre, est que les gens réalisent qu’il existe quelque chose pour eux, pour recevoir de l’aide et guérir. Ce n’est pas qu’une question de système judiciaire, même si c’est important. »
Chaque jour, environ une vingtaine d’enfants passent les portes du Centre Toba pour recevoir l’appui nécessaire. Et pour parvenir à ce travail, une équipe d’une vingtaine de personnes travaille pour l’organisme avec un budget opérationnel d’environ 1,5 million $. « Malheureu-sement, avec les nombres d’enquêtes qui augmentent, nous avons besoin de davantage de personnes », déplore la coordonnatrice de l’engagement communautaire. Elle précise d’ailleurs que des personnes sont capables d’entendre des cas en français.
Toute cette équipe demande également un certain soutien. En effet, bien que passionnées par leur métier, il est certain qu’entendre ces histoires au quotidien peut représenter une épreuve à long terme. Amanda Meikle constate qu’une véritable solidarité existe entre le Centre Toba et la société manitobaine. « Nos emplois sont vraiment difficiles. Il y a énormément de traumas, les histoires sont compliquées. Mais nos équipes sont très solidaires. Nos espaces de travail sont ouverts; personne n’est dans un bureau, enfermé avec des informations difficiles.
« Dans la conception de nos bureaux, nous voulions également des endroits où les employés pouvaient s’échapper. Être au coeur du Parc Assiniboine permet ceci. Il y a aussi une salle de gym dans l’espace. Mais il y a également beaucoup de soutien de l’extérieur. Par exemple, des professeurs de yoga se proposent pour donner des cours car ils reconnaissent le travail fait ici. »
Une responsabilité collective
Il faut décidément tout un village pour élever un enfant. C’est en tout cas la raison d’être du Centre Toba, qui travaille à guérir les enfants qui passent ses portes. Une mission plus que nécessaire dans la société manitobaine, comme le rappelle Amanda Meikle. « Nous voulons tous que les enfants soient juste des enfants. Qu’ils ne subissent pas de traumatismes. Quand vous parlez à des adultes brisés, que ce soit dans les rues de Winnipeg, dans des centres de réadaptation ou ailleurs, une majorité d’entre eux ont subi des traumas durant leur enfance. Ils n’ont pas été capables d’avoir de l’aide au moment où ils en avaient besoin.
« C’est pour ces raisons qu’avoir un endroit comme le Centre Toba est important, pour que les enfants puissent guérir et devenir des adultes en santé. »
La prise en charge des enfants victimes de violences et/ou d’abus est donc une responsabilité collective. Un enfant abusé a 30 % de moins de chances d’être diplômé du secondaire, il aura 26 fois plus de chances de devenir sans abri, et quatre fois plus de chances d’avoir des problèmes de santé mentale.
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté