Sa victoire aux élections provinciales du 3 octobre à peine derrière lui, le Premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, s’est plongé dans le travail avec l’aide notamment de son équipe consultative de transition mise en place trois jours après la soirée électorale.
Quinze jours après les élections, quel sentiment prédomine?
Je suis très fier de notre équipe. Et personnellement, je remercie le peuple manitobain. Il y a beaucoup d’excitation et d’espoir pour les Manitobains qui attendent des améliorations au niveau provincial, pour la santé notamment. Il y a aussi beaucoup de monde qui évoque les messages envoyés aux jeunes et au reste du pays. Je sens que le monde qui a participé à cette élection a réfléchi à toutes les options et a envoyé un message au Canada et au reste du monde : Nous ne voulons pas être négatifs et divisés, mais nous voulons nous rassembler pour surmonter les défis.
Vous avez grandement axé votre campagne électorale sur la question de la santé. Combien de temps vous donnez-vous pour rétablir le système de santé?
Dès cet automne, on va passer aux étapes pour guérir notre système de santé. Il y a de grands défis pour nos hôpitaux, nos foyers pour aînés et d’autres places dans la province. Ça va prendre quelques années.
Pouvez-vous préciser sur quels dossiers vous aimeriez commencer à travailler?
Il y a beaucoup de choses. Améliorer les temps d’attente dans les services et aussi pour recevoir des chirurgies, par exemple. Mais tout ce qu’on peut être capable de faire pour le système de santé doit commencer par les personnes qui travaillent dans ce système. C’est-à-dire les médecins, les infirmières, et toutes les professions qui donnent des services de santé. Donc on veut engager plus de monde, lancer de nouveaux programmes de formation et d’éducation, investir plus dans les hôpitaux et les centres de chirurgie.
Lors de votre élection, un moment historique a eu lieu : vous êtes devenu le premier Premier ministre Autochtone issu d’une Première Nation à diriger une province. Mais pendant votre campagne, vous n’avez pas appuyé sur cette identité. Pourquoi?
Le 12 octobre, je me suis rendu dans la Nation crie de Pimicikamak Beaucoup d’enfants étaient très contents de voir le Premier ministre élu dans leur communauté. C’est important pour moi de partager un message d’espoir et d’encouragement avec les jeunes, incluant les jeunes Autochtones. Mais je pense qu’il fallait diriger la campagne vers les enjeux qui occupent les Manitobains : la santé, l’économie, la vie abordable.
« Dès cet automne, on va passer aux étapes pour guérir notre système de santé. Il y a de grands défis pour nos hôpitaux, nos foyers pour aînés et d’autres places dans la province. Ça va prendre quelques années. »
Wab Kinew
Un sujet qui a beaucoup fait l’actualité est la question autour des fouilles du dépotoir de Prairie Green. Le gouvernement fédéral s’est d’ailleurs dit prêt à financer une étude approfondie sur ces recherches. Et au niveau de la Province, quand pensez-vous pouvoir débuter des fouilles?
On commencerait cet automne aussi, j’espère. On a plusieurs besoins : parler avec les familles, parler avec les différents paliers gouvernementaux, et trouver une façon d’avancer la fouille. Nous avions déjà rencontré quelques membres d’une des familles avant la campagne électorale.
Un dossier difficile à naviguer en raison de toute l’émotion qu’il suscite…
Il y a de l’émotion, mais leur demande est pas mal raisonnable. Une des personnes était d’ailleurs très surprise qu’on ait besoin de faire tout ça pour simplement reconnaître sa mère comme un être humain. Il y a donc une dimension émotionnelle sur cet enjeu, mais on a aussi la question de l’administration, de la justice, de la réconciliation et d’avoir une approche équilibrée du budget.
Vous avez été élu grâce aux circonscriptions de Winnipeg et du nord de la province. Mais une large partie des circonscriptions rurales, notamment au sud et à l’ouest, sont restées conservatrices. Comment allez-vous faire pour con-vaincre ces régions?
Je pense qu’on a déjà commencé à se faire une place. Dauphin, ou encore Brandon-Est, ont élu des Néo-Démocrates. Même dans les endroits très conservateurs comme à Morden-Winkler, nos chiffres ont augmenté. C’était comme 4 % en 2019 et 25 % cette année (1). On s’est surtout engagé avec les enjeux de santé des communautés rurales, avec la fermeture des salles d’urgence ou le besoin d’avoir plus d’infirmières. Il y a aussi des enjeux agricoles, économiques et sécuritaires. Et ce n’est pas simplement pour engranger plus de votes à la prochaine élection, mais aussi pour leur montrer que je suis un Premier ministre présent pour eux et que nous sommes un gouvernement pour tous dans la province.
« Je veux être un Premier ministre qui s’implique dans la communauté en parlant français. »
Wab Kinew
Peut-on s’attendre à ce que des nouveaux en politique intègrent votre cabinet et occupent des postes de ministres?
Il faut de l’expérience, mais ce n’est pas la seule considération. Il faut une parité femmes-hommes, une représentation des différentes régions de notre province, des communautés rurales et du nord. Et avec ça, on doit aussi donner la chance à de nouveaux députés élus de participer à cette table.
La Liberté sort son édition papier le 18 octobre. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques noms d’élus qui formeront votre cabinet?
(Rire) Non… Il faut attendre le mercredi 18 octobre, mais je comprends que vous deviez poser la question!
Plusieurs des candidats élus de votre parti sont francophones. Quelle est votre vision pour la francophonie manitobaine?
Déjà, personnellement, je veux être un Premier ministre qui s’implique dans la communauté en parlant français. Pour notre équipe, je suis fier des élections de Glen Simard, originaire de Saint-Lazare, à Brandon-Est, de Robert Loiselle à Saint- Boniface et d’Adrien Sala à Saint-James. C’est aussi une question de représentation dans les décisions qu’on prend, que ce soit dans le système de santé, l’éducation ou les services municipaux. Nous avons aussi la responsabilité en tant que gouvernement du Manitoba d’honorer la réalité que nous sommes une province bilingue. On doit toujours se souvenir que le Manitoba est une province bilingue. Et je suis content que les électeurs aient élu du monde qui représente cette réalité.
(1) Ken Friesen, le candidat du NPD, a récolté précisément 22,74 % des voix.