La Société franco-manitobaine a décidé cette année de ne pas s’impliquer directement dans la campagne électorale provinciale, ni en posant des questions aux partis ou aux candidats individuels, ni en organisant de débats autour des questions touchant les francophones. Tout au plus a-t-elle décidé de présenter sur son site web une série de questions portant sur les « enjeux » touchant les francophones, questions qui pourraient ensuite être posées par des individus aux candidats des divers partis dans leurs régions. Cette année, les questions pertinentes et probantes (par exemple sur une Loi sur les services en français) ont été posées aux chefs politiques par des membres des média et non pas par la SFM. Au moins, grâce à ces interventions, nous avons appris qu’un seul chef, Jon Gerrard, aurait l’intention de faire adopter une loi sur les services; les deux autres, messieurs Selinger et McFadyen, s’engagent à respecter la politique existante dans ce domaine.
À mon sens, il s’agit là d’une abdication d’un des rôles principaux que doit jouer la SFM dans notre province, à savoir d’être « le porte-parole de la communauté » dans le domaine politique. Comme le soulignait Charles Leblanc en entrevue à Radio-Canada le 28 septembre, « l’organisme a été créé pour ça ». Je partage entièrement son opinion, et d’ailleurs l’objectif principal de l’organisme est clairement établi dès les premières lignes de son site web : « La SFM est l’organisme porte-parole officiel de la population francophone du Manitoba. La SFM revendique le plein respect des droits garantis aux francophones ainsi que l’adoption de nouvelles lois et de nouvelles politiques gouvernementales visant l’épanouissement de la vie en français au Manitoba. »
Évidemment il y a bien des façons de revendiquer, et il faut toujours que l’organisme fasse preuve d’un bon sens tactique et stratégique dans ses revendications politiques. Une de nos réalités, par exemple, est que souvent il est plus efficace de travailler dans les coulisses auprès des autorités élues, de quelque couleur politique qu’elles soient, afin de faire avancer les dossiers touchant aux francophones. Nous avons appris aussi, collectivement, que la plupart du temps il est préférable d’éviter les controverses publiques autour de questions francophones, puisque l’élément anti-francophone dans notre province est toujours présent sous la surface du « Friendly Manitoba ».
Mais entre discrétion et abdication des responsabilités, il y a une marge. Clairement la présentation de quelques questions sur le site web, sans aucune publicité apparente, est insuffisante. On peut aussi se poser la question : l’organisation d’un débat entre les partis sur les questions aurait-elle été efficace? À mon avis non, parce que d’abord les partis y auraient sans doute délégué des porte-parole de seconde zone et deuxièmement, parce que de toutes façons un tel débat n’aurait touché directement qu’une poignée d’électeurs, à moins d’être fortement médiatisé.
Dans un premier temps, il aurait fallu que le conseil d’administration de la SFM crée un comité politique ad hoc spécifiquement pour étudier la question d’interventions possibles et appropriées; d’ailleurs un tel comité devrait être créé à chaque élection fédérale ou provinciale, ne serait-ce que pour faire le point sur la situation politique touchant les francophones à ce moment précis dans le temps. Les idées qui en sortiraient seraient peut-être intéressantes.
Au minimum cette année aurait-on pu faire circuler un questionnaire à tous les partis politiques posant essentiellement les questions suivantes, en laissant les partis façonner leurs réponses, élaborées ou non. On pourrait donner en exemple les questions suivantes :
- Quelle est la position de votre parti par rapport à la Politique de services en langue française au Manitoba? Votre parti a-t-il l’intention d’en faire une loi?
- Est-ce que cette politique devrait être améliorée et si oui, quelles seraient les améliorations que votre parti proposerait?
- Au-delà de la politique de services, est-ce que votre parti a d’autres propositions à faire par rapport à la vie en français au Manitoba, par exemple dans les domaines de la santé, des services sociaux, de l’éducation, de l’intégration des nouveaux arrivants, etc.
Les réponses à ces questions seraient ensuite publiées dans La Liberté et ailleurs. Évidemment certains partis seraient plus enthousiastes que d’autres; certains donneraient des réponses élaborées, d’autres pas. Mais d’une façon ou d’une autre on aurait un engagement formel, surtout des deux partis principaux, concernant leurs intentions par rapport aux politiques et aux programmes touchant la population manitobaine francophone.