La Province du Manitoba fait preuve de plus d’ouverture.
Le chef de la direction de l’Association des municipalités bilingues du Manitoba (AMBM), Justin Johnson, déplore que « les programmes de financement fédéraux manquent souvent de prendre en compte la réalité du rural dans l’Ouest canadien ».
Au banc des accusés : l’indice d’éloignement de Statistique Canada. « Cet indice est reconnu et utilisé par le gouvernement fédéral pour la bonne gestion de ses programmes de financement de projets d’infrastructure et autres.
« Donc, par exemple, un fonds de financement pourrait avoir une lentille rurale, mais si l’indice d’éloignement retenu est de 70 km, alors toutes les municipalités rurales qui se trouvent à moins de 70 km d’un centre urbain seraient automatiquement exclues du programme. »
Programmes excluants
C’est le cas des nouveaux programmes pilotes d’immigration économique et rurale francophone d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), qui excluent automatiquement les municipalités rurales de Ritchot et Taché à cause de leur position géographique.
Le chef de la direction de l’AMBM estime pourtant que les municipalités rurales membres de l’AMBM proches de Winnipeg, comme Taché, Ritchot, Sainte-Anne, La Broquerie ou encore De Salaberry, « sont assurément rurales et connaissent beaucoup de réalités et de défis semblables aux municipalités rurales éloignées ».
Ce qu’il faudrait davantage considérer selon lui, ce sont les indices de vitalité tels que l’économie, la population ou encore les infrastructures présentes ou manquantes dans les communautés, quel que soit leur indice d’éloignement.
« L’autre défi au Manitoba dans ce contexte-là, c’est que malheureusement la ville de Winnipeg est stratégiquement située au centre dans la longitude. Si bien que la majorité des municipalités rurales ont un accès relativement rapide à la capitale, ce qui les exclut des critères d’éligibilité de nombreux fonds dédiés au rural. Même si, visiblement, elles se trouvent bien en milieu rural. C’est un obstacle à la croissance de nos municipalités. »
« Ce sont les besoins sur le terrain, et non pas des exigences géographiques arbitraires comme la distance à une ville, qui devraient déterminer la possibilité d’accéder à un fonds. » Justin Johnson
Quelle alternative?
Face à ce défi, Justin Johnson est d’avis « qu’une lentille rurale claire devrait être appliquée à l’ensemble des programmes de financement fédéral. Ce sont les besoins sur le terrain, et non pas des exigences géographiques arbitraires, comme la distance par rapport à une ville, qui devraient déterminer la possibilité d’accéder à un fonds.
« Donc si une municipalité rurale périurbaine n’est pas adéquatement desservie en matière de connexion internet et cellulaire, ou qu’elle manque d’infrastructures d’accueil et d’établissement pour ses nouveaux arrivants, elle devrait être en mesure de déposer une demande aux fonds correspondants. On veut s’assurer que tout le monde puisse avoir une part du gâteau, quelque part. »
Rappelons que la Loi sur les municipalités du Manitoba prévoit qu’il faut au moins 1 000 résidents et une densité d’au moins 400 résidents au kilomètre carré pour constituer une municipalité urbaine ; et au moins 1 000 résidents et une densité de moins de 400 résidents au kilomètre carré pour constituer une municipalité rurale.
Avancer quand même
La Municipalité rurale de Ritchot fait partie de ces municipalités qui bordent la Ville de Winnipeg. Son directeur général, Mitch Duval, confirme que « parfois, nous sommes face à des octrois qu’on ne peut pas obtenir, car ils ne s’appliquent pas à nous ».
Une réalité qui toutefois ne le décourage pas. « Pour le moment, ça ne nous freine pas trop. On a une très bonne équipe. Si on veut du financement pour un projet, on va trouver un programme qui nous est accessible. Il y a toujours d’autres octrois qui peuvent être envisagés. Quand une porte se ferme, on en ouvre une autre! »
De fait, les critères d’accès aux fonds provinciaux pour les municipalités rurales sont généralement beaucoup plus inclusifs, indique Justin Johnson. « Au niveau de la Province, on sent une meilleure compréhension. On comprend que tout programme de financement doit d’abord cadrer avec la réalité du rural. Ian Bushie, le ministre des Relations avec les municipalités et le Nord, semble bien saisir cette question. »
Le chef de la direction de l’AMBM donne pour exemple le programme provincial de développement communautaire Repartir du bon pied, établi en avril 2024, qui « s’applique à toutes les municipalités, sauf la Ville de Winnipeg ».
Justin Johnson tient également à préciser que le Fédéral semble amorcer lui-même un changement et « tenter d’appliquer des critères diversifiés ici et là qui ne se basent pas sur le seul facteur géographique ».