Montréal, Canada

Les associations et la communauté LGBT+ du pays dénoncent un récent retour en arrière et la résurgence des « commentaires haineux et des agressions ».

Le pays et nombre de ses grandes villes sont considérés depuis des années comme des havres de paix pour vivre librement son identité sexuelle et de genre. Et le Canada est l’un des premiers pays dans le monde à avoir légalisé le mariage homosexuel.

Mais comme d’autres endroits du monde, la « violence de rue » et sur les réseaux sociaux s’est « exacerbée» ces dernières années, observe Pascal Vaillancourt, directeur d’Interligne, un service d’aide et d’écoute pour la communauté LGBT+.

« Les gens nous appellent et nous racontent des souffrances qu’on entendait de moins en moins », explique-t-il à l’AFP, évoquant la hausse des insultes et des agressions. Il raconte avoir pour la première fois lui-même été victime de menaces violentes et homophobes récemment avec son conjoint dans les rues de Montréal.

Le Canada, qui est pourtant un « pionnier de la diversité et de l’inclusion » dans le monde, vit un « changement important » avec un « déclin marqué »du soutien de la population à la communauté LGBT+, confirme Sanyam Sethi d’Ipsos Canada.

Selon une grande enquête publiée en juin dans une trentaine de pays sur des sujets comme le mariage homosexuel, les signes publics d’affection ou les lois contre la discrimination, le Canada enregistre les baisses parmi les plus importantes sur presque tous les aspects.

Ainsi, seuls 49% des Canadiens appuient le fait que les personnes LGBT+ parlent ouvertement de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre quand ils étaient 61% en 2021.

« C’est la baisse la plus forte au monde, avec le Mexique et la Turquie », souligne Sanyam Sethi.

Polarisation grandissante

Les tensions aux États-Unis autour des enjeux LGBT+ déteignent sur le Canada, estiment des associations, qui observent une polarisation grandissante qui s’accompagne d’une « prise de parole décomplexée ».

« C’est devenu quelque chose avec lequel on peut être pour ou contre », résume Marie Houzeau, directrice générale du Groupe de recherche et d’intervention sociale de Montréal (Gris-Montréal).

En cause aussi: l’activité en ligne d’influenceurs conservateurs. À force d’entendre les mêmes propos dans une bulle façonnée par les algorithmes, une partie de la population, et notamment des jeunes, se sent légitime à se dire agressivement contre les personnes homosexuelles et transgenres, constate-t-elle.

Il y a « un climat haineux qui s’installe », alimenté par des politiciens conservateurs qui portent un discours clivant et populiste, renchérit Pascal Vaillancourt, qui sent que les droits de la communauté « se fragilisent ».

Dans certaines provinces canadiennes – l’Alberta, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan – les gouvernements ont annoncé vouloir durcir les lois concernant les jeunes transgenres en interdisant notamment les chirurgies de transition chez les mineurs. Une politique vivement dénoncée par le Premier ministre canadien Justin Trudeau.

Radicalisation violente

Le pays reste encore marqué par l’attaque au couteau survenue l’année passée lors d’un cours sur l’identité de genre à l’Université de Waterloo (Ontario, est). Un homme avait gravement blessé trois personnes dont l’enseignante.

Entre 2018 et 2023, le nombre de crimes et délits liés à l’orientation sexuelle des victimes au Canada a quadruplé, passant de 186 à 860, d’après les statistiques nationales.

Les services de renseignements canadiens ont prévenu dans leur dernier rapport public pour l’année 2023 que des extrémistes contre « l’idéologie de genre » pourraient « commettre des actes de violence extrême » à l’encontre de la communauté LGBT+.

Dans ce climat tendu, le Premier ministre canadien a expliqué sur X que son gouvernement « s’assure” que les organisations de Marches des fiertés ont les moyens de protection nécessaires pour que la “haine ne nuise pas aux festivités ».

Dans la vallée de Pembina, une région rurale et conservatrice du Manitoba, dans le centre du pays, une Marche des fiertés a notamment été perturbée cet été après des menaces reçues par les organisateurs et les restaurateurs.

Dépitée, Pauline Emerson-Froebe, présidente de la Pembina Valley Pride, explique à l’AFP: « certaines personnes sont contre le fait qu’on parle publiquement de notre orientation sexuelle. Ils nous disent de ne rien dire, de nous taire ».

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