Cela menant à une réelle concurrence entre les provinces du pays. 

Au point où pour certaines provinces, voir un nouvel arrivant choisir une province plutôt qu’une autre représente même « une inquiétude persistante » comme le suggère une étude.

Dans son rapport intitulé, ‘Stand by me’: competitive subnational regimes and the politics of retaining immigrants, Catherine Xhardez, professeure adjointe à l’Université de Montréal au département de science politique et directrice de l’Équipe de recherche sur l’immigration au Québec et ailleurs (ÉRIQA), a recensé des données issues de documents provinciaux, publiés entre 2005 et 2022, et 63 pro-grammes d’immigration économique montrant les choix et les stratégies des provinces.

L’impact du Programme des candidats des provinces

S’il existe déjà une forte compétition internationale pour attirer des immigrants dits « recherchés », à l’échelle canadienne, il y a aussi une volonté forte des Provinces pour les attirer et les garder sur leur territoire. 

Une volonté qui s’accélère vraiment ces dernières années, et qui a notamment démarré avec l’instauration du Programme des candidats des provinces (PCP) au début des années 2000. Il a été conçu pour faire venir du monde ailleurs que dans les plus grandes villes canadiennes et pour combler les besoins des employeurs.

« Quand on n’a pas beaucoup d’immigrants qui viennent d’eux-mêmes, notamment par les programmes fédéraux, il y a des provinces qui ont investi dans le PCP et ont vu une opportunité d’avoir plus de personnes. 

« On sait que ce sont surtout les grandes villes qui en profitent. Mais pour des provinces qui sont moins orientées vers des zones urbaines, c’est un enjeu. Le Manitoba a, par exemple, été un des premiers territoires à faire de gros investissements pour le PCP. Ça a été donc progressif en nombre. Mais pour certaines provinces, c’est arrivé plus vite. »

Le Programme des Candidats du Manitoba (PCM) a été le premier PCP du Canada. Il est devenu un programme d’immigration permanente en 1998. La première année, le PCM a accueilli 418 nouveaux immigrants. C’est désormais plus de 5 000 nouveaux immigrants qui arrivent par an dans le cadre de ce programme, selon des chiffres de 2023.

La mobilité interne difficile à contrôler

En revanche, Catherine Xhardez souligne un flou au PCP. En effet, pour être choisi comme candidat des provinces, il faut avoir l’intention d’y rester. Mais, une fois désigné, il n’existe pas d’obligation juridique concrète pour éviter la mobi-lité intraprovince. 

« C’est vrai qu’après avoir obtenu une résidence permanente, il y a des droits de mobilité. C’est pareil d’ailleurs si une personne est choisie au niveau fédéral, c’est lié à la Charte canadienne des droits et des libertés. »

À ce sujet, la professeure évoque l’existence d’une législation plus exigeante en Australie qui oblige la personne immigrante à rester dans le lieu dans lequel elle a appliqué. « Ça a d’ailleurs une incidence sur un futur accès à la citoyenneté australienne ou à certains droits. Ça existe, mais au Canada, ça serait contraire à la Charte. »

Dans cette lutte intestine, et alors que « toutes les destinations n’ont pas le même degré d’attractivité » comme il est dit dans l’étude, les Provinces se doivent d’être inventives pour attirer et retenir la personne recherchée. 

Mais dans l’autre sens, est-ce que l’immigrant peut avoir un avantage dans ce jeu que se livrent les provinces? « Oui, il y a une agentivité des migrants. Si une personne est désirée et qu’elle le sait, car elle occupe par exemple un métier en forte demande, elle peut, bien sûr, regarder les différentes opportunités offertes. 

« C’est un jeu qui va dans les deux sens. Dans ce cas, certains éléments peuvent convaincre. Des provinces mettent par exemple beau-coup de l’avant le temps de traitement des dossiers. »

Soutien fédéral

Si le Manitoba a été plutôt proactif pour l’accueil des immigrants, le travail se situe désormais plus sur la rétention. En effet, il a été remarqué ces dernières années une baisse du taux de rétention des immigrants. Il y a eu une baisse de 11 points entre la cohorte de 2012 à 2016, passant de 75,1 % à 64,1 %. Il s’agit de la plus forte baisse au pays avec la Saskatchewan et les Territoires.

À l’inverse, Catherine Xhardez met de l’avant certaines provinces de l’Atlantique qui ont su inverser les courbes, à l’image du Nouveau-Brunswick, passant sur la même période de 47,4 % à 56 %.

Sur ce taux de rétention, il est possible de penser au rôle à jouer par des organismes de tourisme qui peuvent aider à mettre de l’avant les mérites d’une province. 

« Là aussi, le Manitoba ou le Québec par exemple vont mettre en place des missions de recrutement à l’étranger. C’est littéralement pour faire la publicité d’un territoire. Il y a un aspect de marketing, de démonstration et de représentation. »

Dans ce jeu à dix provinces, voire certains territoires qui ont aussi des programmes d’immigration, le Fédéral a encore toute sa place. Même si les décisions sont plus décentralisées et qu’Ottawa a moins la main sur toutes les étapes du processus, le gouvernement approuve ce système. 

« Les Provinces qui ont ce pouvoir, elles sont soutenues et le Fédéral les encourage », résume Catherine Xhardez. « Quand l’on regarde aux plans d’immigration du Fédéral – le fameux objectif de 500 000 immigrants en 2025 et 2026 – on peut voir que la part réservée au Programme des candidats des provinces est de 130 000 personnes. 

« C’est presque une personne sur quatre qui sera choisie par les Provinces. C’est signe de confiance. Ça ne veut pas dire que ce sera toujours comme ça, mais pour l’instant ça ne fait qu’augmenter. »