Par Elyette LEVY

Exploration des impacts psychologiques de la cybercriminalité.

La fraude en ligne est un phénomène dont les impacts se mesurent souvent en statistiques et en $ perdus. Ses conséquences peuvent aussi être psychologiquement dévastatrices pour les victimes. 

La nature variée de la cybercriminalité entraîne un large éventail de réactions de détresse de la part des victimes, allant de l’anxiété accrue à la perte de sommeil et aux crises de panique.

Karine Gagnon, coordonnatrice au soutien organisationnel et au développement pour le réseau des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels, un organisme qui offre du soutien psychosocial et judiciaire aux victimes de cybercrime, montre le phénomène complexe qui est bien souvent à l’œuvre. « Les personnes qui sont victimes de fraude se sentent honteuses, coupables et ont tendance à s’isoler parce qu’elles sont généralement peu comprises par leurs proches. »

D’après une étude britannique réalisée en 2021, certains facteurs ont un impact psychologique plus fort sur la victime que d’autres (1). 

Validation émotionnelle

Par exemple, le bien-être des victimes, qui ont reçu une compensation financière pour le crime, a tendance à être moins affecté. Ceci s’explique, en partie, parce que la compensation sert d’outil de validation émotionnelle et aide à réfuter la culpabilité que ressentent les victimes. 

En outre, un statut socio-économique plus élevé atténue également l’impact émotionnel de l’escroquerie en ligne.

En revanche, ce que les auteurs de l’étude appellent la cybercriminalité « centrée sur la personne », comme certaines formes d’ingénierie sociale, s’est avérée avoir l’effet le plus important sur le bien-être des victimes, une découverte appuyée par Karine Gagnon. « Quand on parle de fraude amoureuse, on va aussi voir des gens qui vont avoir des sentiments de peine d’amour. Il y a des gens qui ont vraiment cru à l’histoire des fraudeurs. Ces personnes peuvent vivre des sentiments de détresse très importants. »

Les auteurs de l’étude expliquent que les crimes centrés sur la personne entraînent plus de présomptions brisées. Là encore Karine Gagnon appuie cette étude avec du vécu sur le terrain. « Les personnes victimes peuvent vivre de l’hypervigilance, sentir qu’elles ne sont plus en sécurité dans leur propre maison. Malgré le fait que la fraude en ligne se passe dans le virtuel, ce genre de cybercrime demeure très intrusif. 

« Ils peuvent même susciter des symptômes traumatiques qui, dans certains cas, nécessitent de la psychothérapie.

« On entretient souvent le préjugé que ce genre de cybercrimes n’arrivent qu’aux autres. C’est un moyen de se sécuriser soi-même. Alors qu’en réalité, la fraude peut arriver à tout le monde. Les fraudeurs font preuve de tellement d’ingéniosité qu’il n’y a malheureusement personne à l’abri. »

Accompagnement

Karine Gagnon a raison de le rappeler. Plusieurs études sur les profils psychologiques des victimes de cybercriminalité démontrent une corrélation entre certains facteurs de personnalité comme l’émotivité, l’impulsivité ou encore la perception d’avoir le contrôle sur son environnement et la probabilité de devenir victime de fraude en ligne (2). 

Ces facteurs sont ensuite exploités par les fraudeurs, qui ont beaucoup à gagner s’ils savent quels types d’individus cibler. 

Karine Gagnon explique donc que toute aide psychosociale aux victimes de cybercriminalité commence par un soutien émotionnel. « Dans le réseau des Centres, on va commencer à travailler avec la victime sur le sentiment de honte et de culpabilité. On va essayer de l’amener à voir qu’elle n’est vraiment pas seule dans sa situation et que la personne responsable de ce qu’elle a vécu c’est le fraudeur. 

« En parallèle, on va l’aider à repousser ce sentiment d’isolement. Puisqu’on veut que la personne victime se tourne vers ses proches. Il y a aussi un travail auprès des proches pour les sensibiliser à ce qu’ils deviennent des proches-aidants. »

Karine Gagnon souligne que « les outils éducatifs de littératie numérique sont absolument nécessaire pour aider les gens dans la protection de leur vie privée. 

« Au niveau informatique, tout le monde n’a pas le même niveau. La cyberhygiène peut être envahissant et très lourd pour une personne victime. Avoir accès à des ressources spécialisées pour les soutenir dans ces démarches est quelque chose de très important. »