Par Mathilde Gautier.

« Regarde, ce nuage! C’est un éléphant! », poursuit-il distraitement. 

L’adulte, lui, affirme que c’est plutôt un hippopotame et déclare en riant que l’enfant à tort. 

« Mais pourquoi devrions-nous voir la même chose? », dit tristement l’enfant. « Et pourquoi les adultes devraient-ils toujours avoir raison? » 

L’adulte rétorque que les grandes personnes ont plus d’expériences que les enfants et que c’est bien normal d’en savoir davantage. 

« Le ciel est bleu pour toi, mais qui me dit que nous percevons exactement les mêmes couleurs de la même manière? Moi, je vois un éléphant dans les nuages. Mais pour toi, ce nuage n’a pas la même signification. C’est pourtant le même nuage! », s’exclame l’enfant. 

Le parent fronce les sourcils et demande alors à l’enfant s’il sait comment on peut se comprendre si nous avons tous des perceptions différentes du monde qui nous entoure. 

« Il suffit peut-être juste d’écouter l’autre », chuchote alors l’enfant. « Il suffit d’écouter l’autre et ouvrir son coeur à la différence… c’est un peu une manière de venir enrichir son propre monde, tu ne crois pas? » 

Le parent est ému par la sagesse de cet être si petit. Il se demande si finalement les adultes ont effectivement toujours raison. Les larmes montent dans ses yeux et il cherche à les cacher. Mais l’enfant les voit : « Pourquoi pleures-tu? Ai-je dit quelque chose de triste? » 

L’adulte lui répond que ce sont des larmes de tendresse qui coulent. L’émotion est si forte, car il est si fier de son enfant. 

L’enfant ne comprend pas qu’on puisse pleurer de joie. « Moi, quand je pleure, c’est parce que je suis malheureux. Et si on ne me comprend pas ou qu’on ne me console pas, cela me fait encore plus mal et j’ai envie de tout casser! As-tu envie toi aussi de tout casser puisque tu pleures? » 

Les larmes de tendresse se transforment alors en larmes de rire. L’adulte rit aux éclats et déclare que les émotions sont parfois difficiles à comprendre chez les autres. Pourtant, elles sont le seul langage universel que tous les êtres humains ont en commun depuis la nuit des temps. Nous ne ressentons peut-être pas les mêmes émotions au même moment, mais nous les avons toutes expérimentées un jour ou l’autre. Elles sont là pour nous informer d’un besoin. La colère provient souvent du besoin de se sentir écouté et respecté. Il est important de répondre à ce besoin pour pouvoir apaiser ces émotions qui, autrement, se transforment. La tristesse qui n’a pas été entendue peut devenir de la colère, une colère si profonde qu’elle peut se retourner contre soi-même. Cette colère fait alors tellement souffrir qu’elle engendre des problèmes bien plus grands qu’une simple envie de tout casser autour de soi. C’est souvent ainsi que les gens finissent tout seuls par se casser eux-mêmes. 

« C’est pour cela qu’il faut accepter que nous voyions tous différemment le monde qui nous entoure », ajoute l’enfant. 

Le parent acquiesce. C’est peut-être finalement cela l’empathie : c’est écouter et accepter le ressenti de l’autre. Et c’est aussi écouter et accepter ses propres émotions. 

L’enfant et l’adulte rient de leur découverte commune, se serrent fort dans les bras, s’allongent de nouveau pour regarder ensemble les nuages aux milles couleurs passer dans le ciel si bleu. 

Références : 

Art-mella, Émotions : enquête et mode d’emploi, Pourpenser Éditions, 2023. 

Michel Pastoureau, Bleu : histoire d’une couleur, Editions du Seuil, Paris, 2007.