Peu de temps après son élection, Wab Kinew formait son cabinet et livrait les lettres de mandat à son gouvernement. Depuis, l’enthousiasme pour un nouveau gouvernement ne semble pas s’être essoufflé, cas rare comme l’explique Félix Mathieu, professeur agrégé au département de science politique de l’Université de Winnipeg. « Généralement la lune de miel d’un nouveau gouvernement dure trois ou quatre mois. L’étape du budget est bien souvent un point tournant. Dans le cas du nouveau gouvernement, ils l’ont traversé en avril et les sondages de juin montraient encore la grande popularité de Wab Kinew. »
Une popularité grandissante, le plus récent sondage de la firme Angus Reid mené sur 4 204 personnes avec une marge d’erreur de plus ou moins 5 % dans la province du Manitoba, montre que 66 % des Manitobains et Manitobaines approuvent le premier ministre.
Félix Mathieu observe aussi qu’« il est de plus en plus populaire à l’extérieur de Winnipeg dans certains bastions du Parti progressiste-conservateur. « Je pense que la raison se trouve dans le fait que Wab Kinew gouverne de manière pragmatique plutôt qu’idéologique. Bien sûr, il y a des mesures idéologiques comme reconnaître Louis Riel comme premier premier ministre de la province. Mais des mesures comme la suspension de la taxe sur l’essence, c’est une mesure qui a un impact direct sur les gens. C’est une mesure très populaire même si elle est contraire à l’idéologie du NPD. »
Si aux yeux du public, cette « lune de miel » semble bel et bien être toujours présente, Félix Mathieu nuance tout de même qu’« à l’interne du parti, je pense qu’elle n’est plus vraiment présente. Il y a eu des relations de brisées à l’interne et c’est normal. C’est quelque chose qui arrive tout le temps.
« Mais dans ce cas, la décision d’expulser Mark Wasyliw a pris des proportions énormes. C’est arrivé devant le grand public avec un argumentaire fragile. Il y a donc eu un ordre professionnel qui est sorti pour dénoncer la décision. Mais penser que cette situation a eu un impact sur la popularité de Wab Kinew, ce n’est pas le cas. Tout simplement, parce que si on ne suit pas la politique de manière active tous les jours, il n’y a pas forcément de raison d’être au courant de ce fait. »
Francophonie manitobaine
Du côté de la francophonie manitobaine, le gouvernement provincial a mis plusieurs mesures en place pour la soutenir comme le rétablissement du poste de sous-ministre adjoint au Bureau de l’éducation française ou doubler le financement opérationnel du Centre culturel franco-manitobain.
Wab Kinew s’est engagé à continuer de dialoguer pour veiller aux besoins de la francophonie. Questionné par La Liberté à l’occasion de son premier anniversaire comme premier ministre, il a rappelé : « J’ai promis pendant la campagne électorale d’être un premier ministre qui puisse engager avec la francophonie dans sa langue maternelle. J’espère que les services de notre gouvernement seront livrés de manière à honorer ce patrimoine bilingue.
« Nous allons continuer à nous assurer que les fonds seront disponibles pour les organismes comme le CCFM. Mais aussi dans le système de santé et dans le service public pour que les francophones puissent avoir des services dans leur langue maternelle.
« À long terme, j’espère que notre francophonie manitobaine pourra rayonner ailleurs dans d’autres provinces et d’autres pays pour être reconnu à sa hauteur dans la francophonie. »
Système de santé
En plus de la francophonie, Wab Kinew aura d’autres préoccupations dans l’année à venir. À l’occasion de son anniversaire d’élection, le gouvernement s’est félicité de l’embauche de près de 900 personnes dans le système de santé. Des embauches qui semblent avoir eu un léger impact sur les temps d’attente dans les salles d’urgence de la province. À Winnipeg, le 1er octobre 2023, le temps d’attente aux urgences de l’Hôpital Saint-Boniface était de neuf heures, en date du 4 octobre 2024, il est de sept heures et demie.
Félix Mathieu suggère qu’« en parallèle des embauches, il y a des gens qui sont partis à la retraite ou du système de santé. Donc pour l’instant, il y a peu de résultats concrets sur le terrain. Il faut que le gouvernement soit très pédagogue sur ces questions. Il va devoir mettre des res- sources importantes sur cette question. »
Pédagogie
La pédagogie semble être le mot que le gouvernement va devoir mettre à son agenda car le professeur relève d’autres défis. « On veut aller de l’avant avec des parcs éoliens avec des partenariats de nation à nation avec les Premières Nations. C’est tout à l’honneur du gouvernement et à leur avantage. Cependant, c’est ardu de sceller ces ententes. Il va falloir que les citoyens soient patients et que le gouvernement soit extrêmement pédagogue sur les démarches.
« Dans la dernière année, le gouvernement a été très pédagogue sur certaines actions très symboliques comme la reconnaissance de Louis Riel.
« Mais sur d’autres mesures comme la suspension de la taxe de l’essence, c’est assez nébuleux. Ce n’est pas forcément la faute du gouvernement provincial puisque dans tous nos systèmes politiques canadiens, c’est difficile d’expliquer les situations. Parfois, les ministres mettent des mois à s’approprier des dossiers. Pourtant c’est fondamental pour maintenir un taux élevé de confiance chez les Manitobains envers le gouvernement. »