Ce livre est le résultat d’un travail qui s’étend sur presque une décennie, puisque l’ouvrage découle des études suivies par Félix Mathieu à l’Université Laval et à l’Université du Québec à Montréal. Aujourd’hui, professeur agrégé en sciences politiques à l’Université de Winnipeg, il souhaitait que ce travail de recherche soit accessible à un plus large public.

« C’est un ouvrage qui est issu de ma thèse de doctorat que j’ai soutenu il y a quatre ans. Je l’ai faite dormir un peu parce que je voulais m’assurer de la sortir en livre. J’ai vraiment pris le temps de
retravailler le narratif pour qu’elle devienne accessible au grand public. »

Avant d’entrer dans le vif du sujet, Félix Mathieu replace le contexte qu’il l’a mené à s’intéresser à cette question. « En 2015, j’ai effectué un séjour de recherche dans le Tyrol du Sud en Italie, sans vraiment connaître le contexte socio-culturel.

« Rapidement, on m’a parlé de la figure qui représente la résistance par excellence, Andreas Hofer. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’expression autour de cette figure, de représentation. C’est quelque chose qui m’avait immédia- tement fait penser à Louis Joseph Papineau au Québec. C’était mon premier point de comparaison. Puis, il y

avait beaucoup d’enjeux similaires par rapport au Québec sur la question de la protection de la langue, l’exigence d’être reconnu, l’importance de l’intégration des nouveaux arrivants à la culture, dans leur cas, germanophone. »

5 exemples

En partant de cet exemple, Félix Mathieu a étendu sa recherche pour arriver à cinq exemples de comparaison : le Québec au Canada, la Catalogne en Espagne, le Tyrol du Sud en Italie, l’Irlande du Nord au Royaume-Uni et la Wallonie en Belgique.

« Par Nation fragile, je veux dire des nations non souveraines, c’est-à-dire, des communautés nationales qui ne représentent pas la majorité de la population au sein de l’état souverain dans lequel elles évoluent. On peut penser au Québec ou à l’Acadie au Canada.

« Je les considère relativement fragiles parce qu’elles souffrent d’un déficit de reconnaissance. Les gouvernements ne les reconnaissent pas pour ce qu’elles sont. Et quand elles exigent de l’état central des leviers institutionnels pour s’autogouverner par leur propre moyen, leur route est souvent barrée. Il y a une peur du côté de l’état que si on leur donne trop d’autonomie, il y a un risque de faire éclater le pays. »

Favoriser la stabilité

C’est sur ce principal argumentaire que Félix Mathieu s’est penché de différentes manières. « Tout d’abord, d’un point de vue moral, je me suis basé sur l’ancrage théorique en me posant la question suivante : Est-il moralement souhaitable d’accéder à ces demandes? La conclusion est que oui.

« Mais d’un point de vue concret, j’ai comparé les cinq trajectoires sur un temps long, du 18e siècle à aujourd’hui. J’ai regardé les rapports de force entre les acteurs, les agents des nations minoritaires et ceux qui évoluent au cœur de l’état central. Au moment où, on vient soit accéder ou soit refuser aux demandes d’autonomie, quels sont les effets qui en découlent?

« Contrairement à l’idée reçue, lorsqu’on accède à des demandes d’autonomie, systématiquement, on renforce un sentiment de loyauté parce que les Nations se sentent respectées, reconnues alors elles sont davantage prêtes à faire des concessions, à jouer le jeu politique. Alors que lorsqu’il y a des refus de demande d’autonomie, on est davantage prêt à se braquer contre l’État, parce qu’on a l’impression que l’État ne nous respecte pas. »

Néanmoins, Félix Mathieu tient à apporter un élément de nuance dans les cas qu’il a étudiés. « Si on cherche à maintenir la stabilité des états traversés par une diversité nationale, et bien accéder à des demandes des nations minoritaires risque de favoriser la stabilité plutôt que l’instabilité chronique.

« Attention, je ne dis pas que c’est une panacée. Si on accorde des pouvoirs d’auto- nomie importants aux nations non souveraines, c’est certain que ces pouvoirs peuvent être utilisés pour des démarches référendaires. Ma conclusion est que dans les démocraties libérales d’aujourd’hui, il y a de tels mouvements qui ont pris forme. Mais aucun n’est parvenu à faire sécession.

« Chaque fois où c’est arrivé, le contexte n’était pas démocratique ou démocratiquement fragile. »