Le 24 octobre dernier, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) dévoilait son Plan des niveaux d’immigration 2025-2027. Il prévoit une réduction du nombre global de résident.e.s permanent.e.s de 500 000 en 2024 à 395 000 en 2025, puis 380 000 en 2026 et 365 000 en 2027, pour être mieux en mesure de répondre à tous leurs besoins à l’arrivée.

Toutefois, l’objectif est toujours à l’augmentation de la proportion de francophones parmi ces immigrants. IRCC vise 8,5 % d’immigrants francophones en 2025, 9,5 % en 2026 et 10 % en 2027, afin de soutenir le développement et la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire.

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), s’en réjouit : « Le gouvernement est resté conséquent avec son engagement en faveur de l’immigration francophone », souligne sa présidente, Liane Roy. 

Pour elle, ces nouvelles cibles révisées à la hausse – en 2023, elles étaient de 6 % pour 2024, 7 % pour 2025 et 8 % pour 2026 – sont notamment le résultat d’un travail important de la FCFA. 

« On est allé chercher des données probantes auprès des communautés francophones sur l’immigration pour démontrer l’impact véritable sur le terrain et faire des suggestions assez sophistiquées à IRCC, qui nous a entendus. »

Les chiffres de 2024 ne sont pas encore comptabilisés, mais selon Liane Roy, « il semble bien qu’on va réussir à atteindre la cible prévue de 6 %, voire même la dépasser ». 

La FCFA estime cependant que pour assurer la croissance des communautés francophones, il faudrait viser 12 %. « 8 % est le minimum pour se maintenir, 12 % nous permettrait de croître. »

Afin d’accroître les nombres, la FCFA continue de faire pression sur le gouvernement fédéral pour éliminer les obstacles à l’obtention de visas pour les étudiants internationaux, recréer une passerelle rapide de résidence temporaire à résidence permanente pour les immigrant.e.s d’expression française, ou encore créer un programme d’immigration économique spécifique aux francophones.

« On a bon espoir pour le programme d’immigration économique spécifique aux francophones, assure la présidente. Il était clairement indiqué dans le plan du ministre Miller pour l’immigration francophone dévoilé en janvier dernier. »

Au Manitoba

Au niveau du Programme des candidats du Manitoba (PCM), la ministre du Travail et de l’Immigration, Malaya Marcelino, indique qu’en 2023, les nominations de francophones ont représenté 4,2 % du total des nominations provinciales, soit 259 personnes. « En 2022 c’était 194 et en 2021, 170. Donc les nombres augmentent. C’est une bonne nouvelle! »

Malaya Marcelino
La ministre manitobaine de l’Immigration et du Travail, Malaya Marcelino. (photo : Ophélie Doireau)

Elle ajoute que toutes catégories d’immigration confondues, ce sont 4 430 immigrant.e.s d’expression française qui ont débarqué au Manitoba en 2023. « Nous sommes fiers que le Manitoba soit la plus importante province francophone de l’Ouest canadien, et nous sommes toujours prêts à travailler en partenariat avec le Fédéral pour augmenter nos quotas d’immigration francophone afin de faire grandir nos communautés francophones », affirme Malaya Marcelino.

La Province participe notamment à des salons d’immigration dans des zones francophones à travers le monde, comme la France, le Maroc, le Cameroun, le Sénégal ou encore la Côte d’Ivoire, pour recruter autant de candidats francophones potentiels à l’immigration que possible.

Viser la qualité

Si les nombres sont importants pour assurer aux communautés en situation minoritaire un poids démographique suffisant pour survivre, la qualité de l’immigration l’est tout autant. 

« Notre réseau d’intervenant.e.s en immigration a beaucoup grandi dans les dernières années, indique Liane Roy. On compte 13 Réseaux en immigration francophone (RIF) et 24 Communautés francophones accueillantes (CFA) au pays. » Deux de ces CFA sont au Manitoba : rivière Seine et Rivière-Rouge.

« C’est important pour nous d’avoir ce réseau qui peut offrir des services directs, car on veut vraiment la réussite globale des nouveaux arrivants. Si ces derniers sont mal accueillis et mal intégrés, on court le risque qu’ils repartent ou qu’ils passent dans la majorité anglophone. On travaille donc sur les deux volets : quantité et qualité. »

Et ce travail sur la qualité se fait lui aussi en deux volets : offrir des services aux immigrant.e.s, mais aussi sensibiliser, préparer et outiller les communautés à les accueillir. 

« C’est d’ailleurs l’un des objectifs de la Semaine nationale de l’immigration francophone, Notre héritage de demain, confie Liane Roy. On a plus de 200 activités prévues dans les communautés tout au long de la semaine. Il est vraiment question de bâtir ensemble un meilleur avenir pour nos communautés francophones. »

Au Manitoba, la ministre Marcelino se rend également dans les communautés pour travailler avec elles sur les besoins spécifiques de chacune en matière d’intégration et de rétention des nouveaux arrivants francophones. « Nous travaillons en partenariat, guidés par les communautés. »

Vu de la communauté

L’immigration faisait partie des stratégies de la Toile de fonds commune – Agrandir l’espace francophone au Manitoba 2001-2050 adoptée par la Société de la francophonie manitobaine (SFM) en 2001. 

Le directeur général de la SFM, Jean-Michel Beaudry, fait le bilan à mi-parcours : « L’immigration francophone est vraiment venue enrichir et renforcer les capacités de la communauté. Toutefois, bien que le nombre absolu de francophones ait augmenté, ce qui a contribué favorablement à notre vitalité communautaire, en proportion, on n’a pas vu de croissance. Il reste donc du progrès à faire pour renforcer le poids démographique de la communauté francophone au Manitoba. »

Bintou Sacko est la directrice générale de l’Accueil francophone.
Bintou Sacko est la directrice générale de l’Accueil francophone. (Photo : Marta Guerrero)

La directrice générale de l’Accueil francophone, Bintou Sacko, estime elle aussi que « de manière générale, beaucoup de choses ont été accomplies en faveur de l’immigration francophone, notamment la création des services pré-départ pour mieux préparer les immigrants économiques à leur nouvelle vie canadienne, mais il y a encore du travail à faire ».

En termes d’urgence, elle nomme en premier lieu le logement. « Il faut vraiment trouver une façon de développer des programmes pour construire plus de logements, mais aussi revoir les prix locatifs à la baisse, sinon on va perdre nos nouveaux arrivants qui ne trouveront pas à se loger chez nous. »

Un autre enjeu de rétention majeur est le système de garderies, à améliorer au plus vite. « On voit de plus en plus de familles qui arrivent par le biais de l’immigration économique, et donc qui ont déjà des offres d’emploi et seraient prêtes à travailler, mais elles ne peuvent pas car elles ne réussissent pas à faire garder leurs enfants. »

« L’objectif, c’est vraiment que les immigrants qui peuvent s’exprimer en français puissent bien s’intégrer dans nos communautés francophones, notamment au rural, afin d’y rester et qu’on puisse profiter de leurs expériences et compétences, affirme Jean-Michel Beaudry. L’aspect humain de l’accueil est donc très important pour le long terme. »

Par ailleurs, Bintou Sacko observe « un décalage de longue date entre les services d’établissement anglophones et francophones, alors remettre les services francophones à niveau est une autre grande priorité actuelle ».

Toujours mieux faire

Les efforts pour renforcer le poids des communautés francophones via l’immigration, que ce soit au niveau national ou provincial, se poursuivent. Plusieurs projets et initiatives sont en préparation.

Entre autres, des kiosques d’accueil en français à l’aéroport international Richardson de Winnipeg pourraient voir le jour, à l’instar de l’aéroport international Pearson de Toronto.

« Ce n’est pas encore concrétisé, précise Jean-Michel Beaudry, mais avec l’Accueil francophone, nous sommes en pourparlers avec IRCC et les autorités aéroportuaires de Winnipeg, et nous voyons une ouverture du côté de l’aéroport. »

Jean-Michel Beaudry
Jean-Michel Beaudry, directeur général de la SFM. (photo : Marta Guerrero)

Bintou Sacko précise : « L’idée serait de pouvoir accueillir les immigrants francophones en français directement à l’aéroport, pour tout de suite leur parler de la communauté francophone et les aider avec les formalités préliminaires. Accueillir des francophones en français dès leur arrivée, ça ferait toute la différence. »

Du côté de la Province, la ministre du Travail et de l’Immigration révèle pour sa part que « notre département vient de recevoir des fonds du Fédéral par l’intermédiaire du Secrétariat aux affaires francophones du Manitoba pour améliorer le temps de traitement des demandes d’immigration en français. Nous sommes dans le processus de recrutement d’agent.e.s ».

Ses rencontres avec les communautés francophones et bilingues ont aussi permis de prendre conscience de nouveaux défis, sur lesquels la Province travaille désormais.

« On a réalisé que parfois, le ou la candidat.e principal.e à l’immigration est bilingue, mais pas le reste de la famille qui le suit, explique la ministre. Ils ont donc beaucoup de difficulté à trouver un emploi. Pourtant, ils voudraient contribuer. Ça va être un objectif majeur de mon département, en partenariat avec le Fédéral, de trouver des solutions pour les intégrer au plus vite au marché du travail. 

« Un autre défi sur lequel je travaille activement, ce sont les accréditations professionnelles pour les nouveaux arrivants. Je veux enlever ces barrières, créer des passerelles, en particulier dans le secteur de la santé. 

« Réparer le système de santé est la première priorité de tout notre gouvernement, et permettre à des infirmiers.ères formés à l’étranger d’exercer aiderait beaucoup. En outre, le Manitoba est très en retard au niveau de notre système d’accréditation, et nous ne voulons pas perdre une main-d’œuvre immigrante qualifiée au profit d’autres provinces. »

La présidente de la FCFA reste optimiste sur l’avenir. « Quand je vois la diversité de nos communautés francophones minoritaires et les belles contributions des immigrant.e.s, dans tous les secteurs, je me dis que les choses vont dans le bon sens », conclut-elle.