Pendant deux semaines, la pièce de théâtre sillonne les écoles manitobaines au rural pour questionner l’identité des jeunes franco-manitobains

Dans dix écoles du rural, aussi bien de la Division scolaire franco-manitobaine que des écoles d’immersion, la pièce de théâtre va permettre aux élèves d’entamer des conversations sur le multiculturalisme canadien. Tout l’intérêt est là pour le cocréateur, Lacina Dembélé. « Le but de cette pièce est d’entamer la conversation autour de l’assimilation, l’intégration, l’acceptation et la réconciliation. 

« La question posée aux jeunes est : Au Canada, t’es qui toi? Qui êtes-vous au Canada? Quel est votre rôle dans cette mosaïque? Les jeunes essaient de se mettre ensemble pour créer un slam qui répond à cette question. Mais c’est très difficile parce que qu’est-ce qu’un Canadien? Quand pouvons-nous nous dire canadien? Est-ce que c’est parce que nous sommes nés au Canada? Ou parce que tu as immigré? Ou parce que tu as passé plus d’années ici qu’ailleurs? Ce sont plein de questions qui viennent alimenter la conversation. »

En suivant le parcours de trois jeunes : Louis, Jen et Amina, leurs parcours très différents apportent des perspectives, elles aussi, très différentes dans ces conversations. « Du côté des jeunes, il y a Tyler Shingoose, qui joue le rôle de Louis. Louis est né en ville, il va s’installer au rural. Sa famille est métisse et se déclare comme telle. Louis se pose la question de savoir s’il doit agir comme un Métis, qu’est-ce que ça veut dire? Avant, on ne parlait pas des Métis, maintenant doit-il être un représentant des Métis?

« Axelle Oulé va jouer le personnage de Djeneba ou Jen, elle a raccourci son nom. Elle est née au Canada, ses parents sont des réfugiés de l’Afrique de l’Est. Pour eux, la seule manière de vivre au rural, c’était de s’assimiler et d’effacer leur culture. Pour être capable de réussir, il fallait être comme tout le monde. Alors Jen a grandi avec la musique country, la chasse etc. Mais rien de l’Afrique de l’Est, même pas sa propre langue. 

« Il y a également le personnage d’Amina qui est joué par Karam Daoud. Elle est nouvelle immigrante de l’Afrique de l’Ouest, elle est métissée avec une peau blanche. Les gens la questionnent sur son identité d’africaine. 

« Enfin, Alpha Toshinéza joue le personnage d’Ousmane, chauffeur d’autobus. Il est là depuis deux ans, il est l’oncle d’Amina, il est déjà intégré sans jamais oublier qui il est. Il accepte l’adversité en trouvant toujours une leçon à apprendre. »

L’élément déclencheur qui oblige les jeunes à se parler de questions aussi complexes est une tempête de neige. En route pour un concours de slam, ils se retrouvent tous les quatre coincés dans un autobus et discutent alors autour des thèmes d’assimilation, d’intégration, d’acceptation et de réconciliation. « Chaque personnage a son rythme dans cette pièce. S’ils ne s’écoutent pas, le tout crée une cacophonie alors que s’ils s’écoutent et se mettent ensemble, il y a un début de quelque chose. »

Ne souhaitant pas une mise en scène classique autour de sujets si complexes, Lacina Dembélé précise que « ces thèmes vont être partagés au travers de musique, de rythme. Les écoliers vont participer en jouant des rythmes. On veut vraiment les inclure dans la pièce. Pareil, je ne voulais pas une scène standard pour cette pièce. Alors elle est en forme de cercle et tout le monde va s’asseoir autour de ce cercle qui représente aussi bien une horloge, que les points cardinaux et on ne peut s’échapper du cercle. Il faut avoir une conversation, pas forcément une solution. Mais une conversation est importante ». 

Pour parvenir à transmettre du mieux possible les messages, Lacina Dembélé a collaboré à l’écriture et à la création avec Alison Palmer et Ramatoulaye Cherif. « C’est un projet sur lequel nous travaillons depuis trois ans. La pièce va aussi avoir une déclinaison avec une activité de médiation culturelle, un guide pédagogique pour les parents et un pour les enseignants. 

« L’idée est qu’il y a de plus en plus de personnes au rural alors il faut prendre en compte cette nouvelle réalité pour que les gens restent. Si on veut une communauté francophone grandissante, il faut des outils pour une intégration dans la francophonie tout en étant à l’aise dans cette intégration. La francophonie d’hier ne sera pas la même qu’à l’avenir et il faut avoir des conversations maintenant. »

(1) Les représentations se poursuivent jusqu’au 6 décembre. 

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