Sous le choc, le gouvernement canadien cherche une parade dans l’urgence.
Dans le pays, qui a pour premier partenaire les États-Unis où partent 75 % de ses exportations, la nouvelle a provoqué une réelle onde de choc.
Mardi matin, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a tenu à rassurer affirmant avoir eu un « bon » échange avec Donald Trump juste après l’annonce choc du président élu américain.
« Nous avons parlé des liens intenses et fructueux entre nos deux pays » et « des défis sur lesquels nous pouvons travailler ensemble », a ajouté le chef du gouvernement canadien devant la presse.
Mais dans la foulée, il a annoncé une réunion dès mercredi avec les Premiers ministres des provinces, estimant qu’il fallait que le pays reste uni face à cette menace alors que de nombreux responsables politiques n’ont pas hésité à dramatiser l’enjeu.
Doug Ford, le Premier ministre de l’Ontario, la province la plus peuplée du pays, a estimé que c’était « insultant ». « C’est comme si un membre de la famille vous poignardait en plein cœur », a-t-il expliqué.
Le Premier ministre québécois, François Legault, a parlé lui d’une « bombe » et du « risque énorme » qui pèse sur l’économie. Quant à son homologue de la Colombie-Britannique, David Eby, il a préconisé une « réponse ferme » d’Ottawa.
Cette annonce est également une nouvelle épine dans le pied de Justin Trudeau. Candidat à sa réélection dans quelques mois, le Premier ministre libéral est très largement devancé dans les sondages par son opposant conservateur, Pierre Poilievre.
Le gouvernement canadien affirme pourtant avoir mis sur pied depuis des mois un groupe de travail pour se préparer à une administration Trump 2.0. Lors du premier mandat du républicain, les relations étaient glacées avec le Canada.
– « Catastrophique » –
« Si ces droits de douane sont appliqués, ce sera catastrophique », explique à l’AFP Ian Lee, professeur à l’université Carleton d’Ottawa. Cela pourrait principalement toucher les secteurs énergétiques et de l’automobile.
En terme d’emploi, près de 2 millions de personnes au Canada dépendent des exportations, rappelle-t-il sur une population de 40 millions d’habitants.
Il craint également une très forte chute du dollar canadien, synonyme « de coûts d’importation qui augmenteraient de façon spectaculaire, ce qui fait grimper l’inflation ». Mais espère encore qu’il s’agit de la part de M. Trump d’une tactique de négociation.
Dans cette optique, le Canada souligne que cette mesure serait très néfaste aussi pour les consommateurs américains. Ottawa rappelle notamment que 60 % des importations de pétrole et de gaz par les États-Unis viennent du Canada.
« Entre le Canada et les Etats-Unis, c’est une relation gagnant-gagnant », a déclaré la vice-Première ministre, Chrystia Freeland, rappelant que « le Canada est le plus grand débouché des États-Unis dans le monde, devant la Chine, le Japon, le Royaume-Uni et la France réunis ».
Les autorités estiment aussi que les problèmes d’immigration à la frontière canado-américaine ne sont en rien comparables à ceux de la frontière avec le Mexique — c’est l’un des problèmes évoqués par Donald Trump, avec la question du trafic de drogues, pour expliquer l’augmentation des droits de douane.
Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a estimé qu’il allait « falloir s’asseoir » avec l’administration Trump et leur montrer « qu’on fait notre job à la frontière ».
Avec les États-Unis, « on ne va pas vers une accalmie » mais plutôt « probablement vers une période de guerre commerciale », estime Geneviève Dufour de l’Université d’Ottawa. « C’est une guerre commerciale, parce que les États-Unis agissent de manière illicite contre le droit et le Canada va être obligé de faire de même. Il va falloir qu’il défende son industrie ».
Les États-Unis, le Mexique et le Canada sont liés par un accord de libre-échange vieux de trois décennies, désormais appelé USMCA, qui a été renégocié sous M. Trump parce qu’il s’était plaint du désavantage subi par les entreprises américaines, en particulier les constructeurs automobiles.
Au lendemain de la victoire de Donald Trump, Justin Trudeau avait assuré : « Ça fait bien longtemps qu’on se prépare pour cette possibilité et on est prêt ».
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