Rob Tétrault, gestionnaire de portefeuille et conseiller financier, fait le point pour éviter les pièges des cyberfraudeurs.
Après les résultats des récentes élections américaines, plusieurs questions se posent sur les investissements. Sur le marché américain, les principaux indices boursiers ont ouvert le lendemain de l’élection avec des hausses importantes, tandis que le bitcoin a, depuis, vu ses valeurs en $ atteindre des sommets historiques. Et malgré les faibles augmentations qu’a vu le marché canadien, beaucoup s’inquiètent de ce que l’avenir réserve à leurs avoirs.
Cette période d’incertitude signifie aussi que c’est le moment propice pour les fraudeurs de profiter des investisseurs novices, un groupe de personnes qui en a perdu gros cette année.
Beaucoup d’argent en jeu
En effet, selon le Centre anti-fraude du Canada, entre début janvier et fin septembre 2024, 115 Manitobains ont perdu un total de 6,3 millions $ à cause de la fraude à l’investissement. En comparaison, pour l’ensemble de l’année 2023, 92 Manitobains ont été victimes de ce même type de crime et ont perdu collectivement 3,5 millions $. Soit près de la moitié des pertes de cette année et, en moyenne, des montants perdus de 44 % plus élevés par évènement de fraude.
Avec beaucoup d’argent en jeu pour chaque nouvelle victime, les fraudeurs ont tout intérêt à adapter leurs stratégies pour qu’elles soient aussi attrayantes que possible. Comment donc distinguer les conseillers financiers légitimes, qui peuvent aider à investir en toute sécurité, de ceux qui ont l’intention de s’enfuir avec l’argent?
Pour Rob Tétrault, gestionnaire de portefeuille et spécialiste des sujets financiers, il existe des systèmes juridiques qui protègent les particuliers contre les conseillers financiers dont les pratiques sont douteuses.
Il est donc possible de vérifier si une personne offrant ses services d’investissement est autorisée à exercer ou s’il s’agit d’une arnaque. L’essentiel est de poser des questions et de faire des recherches approfondies.
Des protections solides
« Premièrement, il faut vérifier les accréditations de l’individu. Au Canada, tous les conseillers doivent être inscrits dans le registre des Autorités canadiennes en valeur mobilières (ACVM). Puisque ce n’est pas n’importe qui qui peut être enregistré, ça assure un plus haut niveau de protection.
« Ensuite, je vérifierais les titres de l’individu – si c’est une certification de Certified Financial Planner (CFP) ou de Chartered Investment Manager (CIM). Par exemple, j’ai mon CIM, et on peut vérifier mon titre sur le répertoire de l’Institut canadien des valeurs mobilières. Il ne faut pas hésiter à poser des questions sur la licence, les réglementations, l’expérience et les antécédents du conseiller.
« On peut aussi faire des recherches sur le site de l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI). L’OCRI publie chaque mois une liste de tous les individus qui ont reçu des suspensions ou des plaintes, en plus d’autres détails comme les licences que le conseiller a reçues, les provinces dans lesquelles il est autorisé à travailler, tous les cours qu’il a pris et tous les rôles qu’il a détenus. »
La transparence est extrêmement importante lorsque l’on travaille avec un planificateur financier. Il est important que le conseiller explique clairement sa méthode de travail, le processus d’investissement et la manière dont il enverra les reçus et les factures détaillant l’investissement et les rendements. Il est également très important de poser des questions sur les frais et sur la manière dont le conseiller sera payé, car plusieurs tactiques frauduleuses consistent à rassurer la victime en lui faisant croire qu’elle conservera la totalité ou la majeure partie des bénéfices, sans expliquer ce que le fraudeur aurait à gagner en l’aidant.
Se méfier des transactions hors institution
Si le conseiller fait partie d’un cabinet ou d’une firme, il est également possible de vérifier que l’organisation est membre du Fonds canadien de protection des investisseurs (FCPI). Mais aussi de voir depuis combien de temps elle est active, si elle a des bureaux physiques, etc. Ces informations peuvent aider à démonter les mensonges de fraudeurs pour qui le premier contact se fait via des plateformes de réseaux sociaux comme Instagram.
Plusieurs cybercriminels essaieront également d’attraper les victimes sceptiques en les convainquant de faire un investissement de seulement quelques centaines $, puis de leur envoyer peu de temps après le double ou le triple de ce montant initial. Une fois la victime convaincue qu’elle peut faire confiance à l’investisseur, elle envoie plus d’argent à investir, et c’est à ce moment que le cybercriminel disparaît.
Pour Rob Tétrault, c’est pourquoi il est important de se méfier des transactions hors institution. « Les transferts de fonds devraient toujours se faire à travers une institution bancaire et non à travers un individu, par transfert Interac, ou par chèque personnel.
« Si quelqu’un ouvre un compte avec nous, les fonds sont payables à travers le cabinet, qui est une compagnie qui existe depuis plus de 50 ans. Le moment où on commence à faire des transferts personnels ou sans que ce soit d’une banque à une autre, ça devrait être un signal d’alerte. »
Des promesses pour attirer les victimes
Les fraudeurs font de multiples promesses pour attirer leur victimes, qu’il s’agisse d’un retour sur investissement très élevé, d’une garantie de croissance de l’argent ou d’un calendrier de croissance alléchant. Si, en moyenne, le marché boursier a connu une augmentation annuelle de 10 % au cours du siècle dernier, il est virtuellement impossible de faire fructifier ses investissements au-delà de ce chiffre.
« Si vous entendez quelqu’un vous promettre 15, 20, 30 % ou encore qu’il pourra doubler votre argent en six mois, ça n’a aucun sens. »
Les planificateurs financiers et les experts en cybersécurité répètent souvent que la pression excessive et le sentiment d’urgence sont également des raisons d’être suspicieux.
Malgré les fluctuations du marché qui peuvent faire monter en flèche certaines actions à certains moments, rater une telle opportunité parce qu’on a fait des recherches et qu’on s’est assuré de sa légitimité vaut mieux que de perdre des milliers $ au profit d’un fraudeur qui a beaucoup à gagner du manque de connaissances de ses victimes.
C’est notamment le cas des fraudeurs qui vous proposent d’égaler votre contribution à un investissement si vous y mettez une certaine somme d’argent. « Acheter des actions, ce n’est pas comme acheter des livres à une vente de garage, il n’existe jamais de rabais quand on en achète plus. »
Le phénomène des finfluenceurs
Bien que les fraudes et les arnaques à l’investissement soient courantes et de plus en plus prévalentes, il est important de rester vigilant face à tout contenu en ligne sur ce sujet.
Sur les réseaux sociaux, une idée s’est répandue selon laquelle l’investissement est synonyme de gros sous et nombreux sont ceux qui se laissent entraîner dans des pratiques légales. Mais louches, en se servant du cachet de l’investissement comme d’un voile.
Le finfluencing, un nouveau néologisme des mots « finance » et « influenceur », est un type de marketing d’influence et de création de contenu où des individus bâtissent leur plateforme en offrant des conseils financiers et des astuces d’investissement. Alors que certains donnent des informations crédibles sur la littératie financière, d’autres recommandent des actions spécifiques ou utilisent leur profil et leur popularité pour donner des conseils mal informés. Bien entendu, il devient très difficile de faire la différence entre les informations fiables et de la simple publicité.
La confiance que ces finfluenceurs tentent d’instaurer est un autre point fondamental des cyberfraudes. Dans le contexte de la fraude à l’investissement, les fraudes amoureuses peuvent souvent être le premier point de contact par lequel les fraudeurs attirent leurs victimes.
Sachant qu’il existe un lien fort et un sentiment de confiance entre la victime et son fraudeur, il devient plus facile pour ce dernier d’apporter une nouvelle opportunité d’investissement.
En outre, il devient moins suspect pour le partenaire romantique frauduleux d’accepter un virement électronique de sa victime, car il peut alors la rassurer en lui disant qu’il se chargera de garantir la légitimité du conseiller en investissement et de la plateforme d’investissement, chose que la victime aurait peut-être voulu faire elle-même si elle avait été approchée par un inconnu.
Prendre du recul
De même, les cybercriminels qui parviennent à pirater des comptes de réseaux sociaux essaient souvent de proposer des opportunités d’investissement à des amis communs du titulaire réel du compte qui sont fréquemment contactés, car ces personnes sont susceptibles de croire que quelqu’un qu’elles connaissent et à qui elles parlent n’essaierait pas de les arnaquer. De la même manière, faire confiance aux conseils donnés par les finfluenceurs et les considérer comme étant factuels est rarement, voire jamais, fructueux, d’après Rob Tétrault.
« Il faut vraiment prendre du recul par rapport à qui ces personnes sont. Est-ce que c’est possible que cet individu ait plus d’informations que le marché, ou que ce qui est connu publiquement sur une compagnie? La réponse est presque toujours non, à moins que cet individu ait accès à des informations illégales. Et dans ces cas-là, c’est un délit d’initié et tu ne peux pas faire de profit sur ces actions. »
Les finfluenceurs ont aussi beaucoup à gagner en encourageant les gens à acheter certaines actions : ils détiennent souvent eux-mêmes ces mêmes actions et profiteraient donc de l’augmentation de leur prix.
Le secret pour s’enrichir est donc simple et peut-être décevant à entendre : il n’y en a pas. Il n’existe malheureusement aucun moyen de gagner de l’argent qui soit à la fois légal et légitime. L’investissement sur le marché boursier est un pari, l’achat d’actions peut donc sembler très risqué pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’argent à investir.
« Je ne pense pas que beaucoup de gens devraient investir par eux-mêmes parce qu’ils ont trop à perdre si la valeur de leurs actions baisse. Le problème, c’est que les conseillers en finance ne font pas typiquement affaire avec les gens qui ont seulement quelques centaines $ à investir – ils ne reçoivent malheureusement pas beaucoup d’aide », conclut Rob Tétrault.