Par Marine Ernoult.

Le temps des Fêtes n’est pas un cadeau pour le climat et l’environnement. Il existe néanmoins des solutions pour ne pas surconsommer et préserver la planète.

« Le temps des Fêtes est une période très polluante, propice au gaspillage et à la surconsommation », regrette la spécialiste des communications et de l’engagement du public à la Fondation David Suzuki, Laurence Bolduc.

« Nos vies rapides et matérialistes ne sont pas cohérentes avec les objectifs climatiques et, pendant les Fêtes, c’est encore pire. On oublie nos convictions et on augmente notre pression sur l’environnement », renchérit la chercheuse postdoctorale à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, Ghina El Haffar.

Malgré la prise de conscience amorcée durant la pandémie de COVID-19, les deux spécialistes estiment que les consommateurs abandonnent souvent leurs principes écologiques lors du passage à la caisse.

Près de 40 % de la nourriture jetée

Selon Zero Waste Canada, jusqu’à 40 % de la nourriture est gaspillée et les déchets ménagers augmentent de plus de 25 % pendant les Fêtes de fin d’année.

Les viandes, volailles et fruits de mer ont également une empreinte environnementale non négligeable. Uniquement en prenant en considération la production, chaque kilogramme de bœuf génère environ 30 kg de gaz à effet de serre, d’après les différentes données disponibles.

Pour le porc, le compte s’élève à 12 kg pour chaque kilo produit, contre 10 kg pour la dinde et 7 kg pour le poulet. Quant aux crevettes d’élevage, leur empreinte avoisine les 27 kg par kilo.

Le bilan carbone de l’alcool est généralement moins élevé, avec une moyenne de 1,1 kg par bouteille de vin pour la France, mais c’est sans compter le transport jusqu’au Canada.

« Pression sociale » pour dépenser  

« Le plaisir l’emporte souvent sur la durabilité. On privilégie le budget pour l’achat de petits produits pratiques et bon marché dont la fabrication n’est pas toujours respectueuse des exigences environnementales », observe le professeur agrégé au Département d’agroéconomie et des sciences de la consommation de l’Université Laval, à Québec, Bernard Korai.

« La grande majorité des gens vous diront qu’ils sont préoccupés par l’impact sur l’environnement, mais ils ne font pas nécessairement le lien avec leurs comportements », complète la professeure à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, Caroline Boivin, qui note une hausse des dépenses liées aux Fêtes depuis la fin de la pandémie de COVID-19.

Aux yeux des chercheurs, il est très difficile d’échapper à la surconsommation qui caractérise la période des Fêtes de fin d’année. Bernard Korai parle d’une « pression sociale » associée à une célébration culturellement importante en Amérique du Nord.

« Noël est perçu comme une pause dans nos agendas chargés pour renouer le lien avec celles et ceux que nous n’avons pas le temps de voir régulièrement, analyse-t-il. Les cadeaux achetés agissent comme une forme de compensation, qui permet de conjurer le défaut de présence soutenue. »

Cette pression peut mener à une certaine surenchère dans la quantité et la valeur des cadeaux. « Ce que l’on offre à ses proches traduit la valeur sociale qu’on leur donne. C’est aussi un moyen d’affirmer son propre statut en tant qu’individu », poursuit-il.

Idées plus écoresponsables

Toutefois, de nombreuses pistes existent pour alléger l’impact carbone de Noël et rendre sa manne de cadeaux plus sobres. « Il ne faut pas le voir comme quelque chose de complexe. La clé, c’est de tout planifier et de se poser systématiquement la question sur l’utilité de nos achats », assure Ghina El Haffar.

Elle évoque la fabrication d’un sapin en bois, l’utilisation de lumières DEL qui consomment moins d’énergie et durent plus longtemps, le recours à des décorations réutilisables, l’option du covoiturage ou des transports en commun lorsque cela est possible.

Pour les présents, Laurence Bolduc conseille d’éviter le magasinage en ligne, de privilégier les cadeaux de seconde main et d’offrir des expériences plutôt que des objets physiques. Elle suggère également de se servir d’emballages en tissu ou en papier recyclé.

En ce qui concerne la nourriture, elle recommande d’acheter des aliments locaux et d’essayer des options végétariennes, « on peut même se donner le défi d’organiser un souper végétarien ».

Concilier « bénéfices personnels » et environnement 

Convaincre la population canadienne de changer ses habitudes demande cependant du temps et beaucoup de diplomatie pour ne pas froisser les susceptibilités des plus réticents.

Laurence Bolduc invite à « semer des petites graines » année après année sans forcer de changements radicaux : « C’est un sujet tellement polarisant, ça peut être délicat. Il y a tellement d’éléments intouchables dans la tradition de Noël. »

À cet égard, Caroline Boivin propose d’insister sur les « bénéfices personnels » que les consommateurs peuvent retirer en adoptant des comportements écologiquement plus responsables.

Limiter sa consommation de viande ou acheter des cadeaux de seconde main, c’est non seulement bon pour la planète, mais c’est aussi plus intéressant pour le portefeuille. « C’est une voie plus positive pour motiver au lieu de taper tout le temps sur le clou de la planète qui brule », souligne-t-elle.

De son côté, Ghina El Haffar appelle les entreprises et les pouvoirs publics à « changer les normes et les règlementations » pour donner un coup de pouce aux acheteurs et les aider à se « reconnecter aux valeurs immatérielles » des fêtes de fin d’année.