Alors qu’en octobre 2024, il a annoncé qu’il ne briguerait pas un autre mandat.

Le temps est compté, mais bientôt, Daniel Vandal se retirera de la vie politique. Lors du remaniement ministériel du 20 décembre, il a perdu ses titres de ministre des Affaires du Nord, les responsabilités des dossiers de l’Agence canadienne de développement économique du Nord et du Développement économique des Prairies.

Ce changement n’a toutefois pas été une surprise, l’ancien ministre ayant prévenu le premier ministre au mois d’août qu’il ne se représenterait pas aux prochaines élections.

« D’habitude, une fois que tu annonces que tu ne vas pas te présenter, on te remplace dans le cabinet. Le premier ministre m’a dit : “prends ton temps, on ne veut pas te remplacer tout de suite, car plusieurs d’entre vous se trouvent dans la même situation”. Finalement, il a pris sa décision au mois de décembre », relate-t-il.

Par conséquent, il passe moins de temps dans les aéroports et plus de temps chez lui, à Saint-Boniface. « Je vais avoir 65 ans dans quelques mois, c’est le temps de passer plus de temps avec mes enfants et mes petits-enfants. »

« Ça a été un privilège, mais à un moment donné ça devient plus difficile. J’ai vu des parties du Canada que je n’aurais jamais pu être capable de voir dans une autre job. »

Face au départ de la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland à la mi-décembre, une vingtaine de députés avait publiquement demandé la démission du premier ministre. Le 6 janvier, Justin Trudeau a annoncé qu’il mettrait fin à son mandat de 9 ans. Daniel Vandal maintient sa position. « J’étais toujours un grand supporter du premier ministre. Si c’était mon choix, il serait encore premier ministre. »

Se lancer dans le ring

Avant d’entrer sur la scène politique, « Danny Vandal » comme on le surnommait, était boxeur professionnel. En entrevue avec La Liberté en 1986, le lutteur songeait déjà à sa vie après la boxe. Il est devenu travailleur social.

« Dans le temps, j’étais impliqué dans les comités locaux comme l’Association des résidents du Vieux-Saint-Boniface, il y avait plusieurs personnes qui avaient suggéré que je me présente au niveau municipal pour essayer de remplacer notre conseillère. Quand j’ai eu l’appui de Greg Selinger en 1995, c’était important. Il était bien connu et bien respecté. »

La même année, il a été élu au conseil municipal de la ville de Winnipeg, où il a occupé le siège de Saint-Boniface.

En 2004, il s’est lancé dans la course à la mairie de Winnipeg, mais n’a pas réussi à l’emporter, arrivant en deuxième position derrière Sam Katz. En 2006, il est retourné à l’hôtel de ville en étant réélu conseiller municipal du quartier de Saint-Boniface, où il occupera ce poste jusqu’en 2014.

C’est en 2013, lors d’un dîner-causerie avec le leader par intérim du Parti libéral du Canada et ancien premier ministre de l’Ontario Bob Rae, que Daniel Vandal a retenu l’attention du Parti.

« Plus tard ce soir-là, j’ai reçu un courriel : “Pourquoi tu ne m’aides pas à rebâtir le Parti libéral?” Ça venait de Bob Rae! C’était une grande inspiration. »

« C’était un temps difficile pour le Parti libéral. On était en troisième place, on avait une trentaine de sièges, et tout le monde avait peur de Stephen Harper et l’ancienne représentante de Saint-Boniface [Shelly Glover] qui était ministre. Personne ne voulait aller contre elle. Tout le monde pensait que Justin Trudeau était très faible, je n’ai pas eu beaucoup d’encouragement, mais je savais que Trudeau n’était pas faible du tout et que j’avais une bonne chance de gagner. »

La députée conservatrice de Saint-Boniface Saint-Vital, Shelly Glover, a choisi de ne pas se représenter aux élections fédérales de 2015. Daniel Vandal fut vainqueur, en remportant 58,4 % des voix. Sa victoire, selon lui, s’attribue par les liens qu’il entretenait déjà avec la communauté en tant que conseiller municipal.

« J’avais des bonnes relations, c’était naturel que je me présente au niveau fédéral », affirme-t-il.

Une scène de la pièce Frenchie au Cercle Molière en 1986, mettant en valeur « Danny
Vandal » lors d’un véritable match de boxe.
Une scène de la pièce Frenchie au Cercle Molière en 1986, mettant en valeur « Danny Vandal » lors d’un véritable match de boxe. (photo : Société historique de Saint-Boniface)

La lutte politique

Dans sa circonscription, Daniel Vandal a gagné 8 mandats lors d’élections municipales et fédérales combinées. Après toutes ces années, comment faire pour garder sa place?

« Il faut que tu restes accessible pour que le monde puisse te parler assez souvent sur des sujets qui sont prioritaires pour eux. Mais il faut aussi que tu sois vraiment engagé dans les conversations, que tu écoutes les gens, explique-t-il, ce n’est pas très compliqué. Il faut rester humble et connecté à la population. »

Parmi les défis de politiciens, faire comprendre les politiques que l’on essaie de faire passer.
« À la fin de la journée, même si on n’est pas sur la même longueur d’onde sur la solution, on peut se respecter en ayant une bonne discussion et on garde la relation en vie, c’est ce que j’ai toujours essayé de faire. »

L’ancien conseiller municipal a eu tout un défi à relever en 2001, lorsqu’il a plaidé pour l’interdiction de fumer dans les espaces publics.

« Ce n’était pas très populaire au niveau municipal, le maire Glen Murray n’appuyait pas cette initiative. Il y avait plusieurs bars et restaurants qui nous disaient qu’on allait faire du dommage à leurs entreprises. On a passé la politique quand même. »

« Éventuellement, quelques années plus tard, tout le Canada avait interdit le fumage dans les espaces publics, ça a sauvé des milliers de vie, sans doute. Je suis très fier de cette politique, on a fait la bonne chose pour le public. »

Parmi les politiques fédérales dont il est plus fier, il cite la création de l’Allocation canadienne pour enfants, les services de garde d’enfants à 10 $ par jour, le Régime canadien de soins dentaires, le renouvellement de l’accord Canada-États-Unis-Mexique et les investissements en réconciliation avec les peuples autochtones.

« Il faut que tu restes accessible pour que le monde puisse te parler assez souvent sur des sujets qui sont prioritaires pour eux. Mais il faut aussi que tu sois vraiment engagé dans les conversations, que tu écoutes les gens » Daniel Vandal.

Langues officielles

Au cours de son premier mandat fédéral en 2015, Daniel Vandal a siégé aux comités permanents du Patrimoine canadien et des Langues officielles. Entre 2019 et 2021, Daniel Vandal a été le seul député francophone de son gouvernement dans l’Ouest canadien. Le Franco-Manitobain de souche, dit accorder une importance particulière à la langue française dans les communautés minoritaires, que ce soit à Winnipeg ou au grand nord à Iqaluit au Nunavut.

« J’ai toujours dit à mon équipe quand on va au nord, qu’il y a des communautés francophones partout au Canada, et on devrait faire des efforts pour les rencontrer. »

L’ancien ministre des Affaires du Nord déplore qu’il n y’a « jamais assez de temps pour faire tout l’ouvrage ». Des horaires souvent « surchargés » seraient une des raisons pour lesquelles il n’a pas eu l’occasion de rencontrer ces communautés linguistiques aussi souvent qu’il l’aurait souhaité.

La promotion de l’Inuktitut au grand nord, est un enjeu que Daniel Vandal a porté, avec le support de l’ancien ministre Pablo Rodriguez, maintenant candidat à la chefferie du Parti libéral du Québec.
« On a fait des gains, mais il y a encore beaucoup de travail à faire », ajoute-t-il.

Être politicien, « c’est bien plus menaçant aujourd’hui ».

Daniel Vandal attribue l’augmentation de l’intensité des menaces envers les politiciens à la manipulation de l’information sur les médias sociaux et à l’information instantanée.

« Je n’ai jamais eu de menace face à face, mais j’en ai reçu plusieurs à travers les médias sociaux et avant ça, dans des lettres disant que je n’étais pas un bon représentant parce que ma famille était métisse. »

« C’est clairement plus facile pour moi de marcher les rues d’Ottawa ou Winnipeg qu’une représentante comme Chrystia Freeland qui a été physiquement menacée lors-qu’elle était en Alberta. Je reconnais ça, ce n’est pas juste, mais c’est la réalité de la vie de nos jours », explique l’ancien boxeur professionnel.

Daniel Vandal a été conseiller municipal du quartier Saint-Boniface.
Daniel Vandal a été conseiller municipal du quartier Saint-Boniface. (photo : Société historique de Saint-Boniface)

Regrets?

Questionné sur ses regrets politiques, le député de longue date a affirmé n’en avoir « pas beaucoup » concernant son travail en tant que tel.

« Avec le privilège du temps, tu peux voir où tu pourrais faire des améliorations sur des choses que vous avez faites, mais ce ne sont pas des regrets. Comme politicien, j’ai aperçu beaucoup de personnes, la perfection ça n’existe pas. »

Il confie tout de même son « grand regret », ne pas avoir fait le saut en politique fédéral plus tôt dans sa carrière. « Je crois qu’au niveau fédéral, tu peux faire beaucoup de changement, et quand tu es jeune, tu as plus de temps à faire ce changement ».

L’avenir du Parti libéral

« Je ne suis pas sûr que c’est une bonne chose de rentrer un nouveau leader qui n’a même pas été élu dans une circonscription au Canada. On a déjà fait ça comme parti, ça n’a pas bien fini », en référence à la défaite cuisante du Parti libéral sous Michael Ignatieff, qui a perdu face au Parti conservateur de Stephen Harper en 2011. Les libéraux ont chuté dans les rangs, devenant un parti avec seulement 34 sièges.

Daniel Vandal appuie la candidature de Chrystia Freeland pour mener la chefferie du Parti libéral du Canada.

« Mon premier choix était Justin Trudeau, je crois qu’il y avait une chance de gagner, mais mon deuxième choix est Chrystia Freeland. »

Il estime que l’ancienne vice-première ministre et ministre des Finances peut séduire les Manitobains. « Quand je parle [au député] Kevin Lamoureux, il m’explique que Chrystia Freeland s’est fait élire en 2013, alors qu’il n’y avait qu’une trentaine de députés libéraux. Elle a des racines dans le Parti, elle a vu des temps difficiles et elle a eu une bonne expérience. »

Interrogé sur les raisons pour lesquelles il ne soutient pas Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, qui souhaite briguer la chefferie du Parti libéral du Canada, Daniel Vandal a répliqué simplement : « Il ne m’a jamais demandé ».

« Si tu veux l’appui de quelqu’un, tu ramasses le téléphone et tu fais un appel. Chrystia Freeland m’a appelé quelques fois, tôt dans la campagne. »

Dans la course à l’investiture libérale dans sa circonscription de Saint-Boniface–Saint-Vital, Ginette Lavack, directrice générale du Centre culturel franco-manitobain, tente de lui succéder. « Ginette Lavack est une excellente candidate, a déclaré Dan Vandal, c’est une bonne nouvelle pour moi et notre parti, je pense qu’elle est très forte. » Précisant qu’il est en contact avec le Parti libéral afin d’ouvrir officiellement les nominations pour la circonscription.

Et après?

Il admet que la politique peut parfois peser sur la vie familiale. « J’adore être avec mes petites-filles maintenant, parce que j’apprécie leur jeunesse. Peut-être que j’ai manqué cette expérience avec mon fils Jérôme, qui a maintenant 28 ans. »

Après son mandat terminé, Daniel Vandal dit partir pour de « longues vacances », et qu’il reprendra ensuite du travail à temps partiel, évitant les « journées de dix à douze heures ».