C’est Donald Trump lui-même qui l’a dit. Cette pause d’un mois servira notamment à « voir si un accord économique final avec le Canada peut être structuré ». 

Mais si cette crise reste en sursis, elle a mis en évidence la dépendance économique du Canada envers son partenaire du sud. Le pays pourrait-il s’en éloigner? À long terme, Raymond Lafond, chroniqueur et comptable professionnel agréé, y croit, mais pas à court terme. « Par exemple, le pétrole que nous recevons par des pipelines d’Alberta va aux États-Unis et nous revient. Il faudrait une pipeline à travers le Canada. Il faudrait éliminer les barrières tarifaires entre les provinces. Je pense à l’industrie automobile également, il y a certaines pièces qui peuvent passer la frontière jusqu’à cinq fois. Donc, il y a des possibilités, mais ça prend du temps. »

Pour information, les barrières entre provinces seraient équivalentes à des droits de douane estimés entre 7 % (Statistiques Canada) et 20 % (Fonds Monétaire International). Leur levée permettrait un gain de PIB de 4 % et de générer 20 milliards $ de revenus fiscaux supplémentaires.

Des accords de libre-échange avec d’autres zones géographiques à travers le monde seraient-ils une solution? « Oui, mais les distances sont importantes », prévient Raymond Lafond. « Le transport par voie ferrée entre, par exemple, Winnipeg et Minneapolis est négligeable comparé à un transport vers la France ou l’Angleterre. »

De manière générale, Raymond Lafond demeure dubitatif sur la façon de diriger cette situation par Donald Trump. Selon le comptable, comparer les situations du Mexique du Canada sur la gestion de la crise du fentanyl est impossible. Sur ce sujet, Justin Trudeau rappelait, il y a quelques jours, que la contrebande en provenance du Canada représentait moins de 1 % de l’offre de fentanyl aux États-Unis. En 2024, une vingtaine de kilogrammes de fentanyl ont été saisis à la frontière canadienne par les autorités américaines contre 9600 kg à la frontière avec le Mexique, selon des données rapportées par Radio-Canada

Prioriser l’achat canadien 

« Son raisonnement est fautif. Je conclus que son but est éventuellement expansionniste. Donald Trump est un empereur, il veut que toute l’Amérique, à partir du Groenland, du Canada et une partie éventuellement de l’Amérique du Sud fasse partie des États-Unis », commente Raymond Lafond.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh est également allé dans ce sens ce lundi. Pour lui, « ce n’est pas une question de frontière. Ce n’est pas une question de déficit commercial. Il veut faire du Canada le 51e État. C’est une menace pour notre souveraineté », a-t-il notamment déclaré en parlant de Donald Trump. 

Quant à la souveraineté, est-ce que cet épisode des tarifs douaniers pourrait agir comme un électrochoc dans la société canadienne ? Ces derniers jours, plusieurs magasins ont notamment mis de l’avant les produits faits au Canada. « Ils répondent tout simplement à une demande », pense Raymond Lafond. « Et l’objectif ne doit pas tant être de punir les États-Unis en n’achetant pas leurs produits, mais c’est surtout acheter les produits canadiens. Ça nous bénéficie énormément. Ne pas acheter américain a un impact relativement minime aux États-Unis comme ce pays a une économie dix fois plus grosse que la nôtre. »

Dans le détail, en 2024, l’économie américaine était environ 12 fois plus grande que celle du Canada. Les États-Unis avaient un PIB de 26 milliards $ contre 2 200 milliards pour le Canada.