« Le racisme peut être visible mais aussi être subtile ». Le 7 février s’est tenue la conférence Les cicatrices invisibles du racisme au Théâtre Cercle Molière, conjointement organisée par le Réseau en immigration francophone du Manitoba (RIF MB) et l’Accueil francophone, en collaboration avec Noir et Fier. Plus de 75 personnes en présentiel et plusieurs autres en direct sur Facebook.
S’inscrivant dans le cadre du mois de l’histoire des Noirs, la conférence abordant les impacts méconnus et sous-estimés du racisme, a été animée par Godlove Kamwa et a réuni un panel composé de Angela Cassie, directrice des opérations de Voyage Manitoba, Alphonse Ndem Ahola, directeur général de la Francophonie albertaine plurielle (FRAP), Kimberly Jean Pharuns, directrice de l’Immigration francophone à la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) et Sophie Gaulin, rédactrice en chef de La Liberté.
Entre traumatismes et cicatrices
« Les cicatrices sont invisibles mais pas moins destructrices », a déclaré Angela Cassie, lors de la première table ronde consacrée en partie aux traumatismes, à la notion de cicatrices et aux effets du racisme sur la santé mentale et psychologique des victimes.
Les panélistes ont prêté attention à l’emploi de la notion de cicatrice, permettant d’évoquer la perspective d’une guérison. Mais ce cheminement semble encore loin. « On constate que certaines plaies sont encore bien ouvertes », a tenu à souligner Angela Cassie.
Alphonse Ndem Ahola, directeur général de Francophonie Albertaine Plurielle, explique observer un « stress chronique et de l’hypervigilance » chez les personnes noires venant d’arriver. Il rapporte ainsi un racisme ressenti constamment chez les immigrants, laissant des traumatismes dans leur parcours d’intégration.
« Une société malade »
« Nous sommes dans une société malade, qui reproduit les stéréotypes racistes et les traumatismes », déclare Alphonse Ahola lors de la conférence.
Le directeur général de la FRAP déplore une société stéréotypée et une communauté noire marquée par des traumatismes qui se transmettent également de générations en générations. Ce « traumatisme psychologique générationnel nous pousse à oublier que les Noirs ont commencé une lutte il y a bien longtemps », explique-t-il.
« On se compare, on se console, en regardant les cas de racisme toujours plus scandaleux, mais la réalité c’est qu’il existe aussi des micro-agressions », souligne Kimberly Jean Pharuns. Pour la directrice de l’Immigration francophone FCFA, les micro-agressions sont des « attaques subtiles dont l’impact sur les victimes n’est pas reconnu ». Et ces formes d’agressions racistes peuvent avoir de « lourdes conséquences au quotidien sur la confiance en soi » et peuvent « causer une perte d’ambition », rapporte-t-elle.
Prise de conscience et guérison
Lors de la conférence, les panelistes ont évoqué plusieurs pistes d’action et de réflexion, à différentes échelles, pour tenter d’éveiller les consciences sur le sujet.
Pour Kimberly Jean Pharuns, la guérison est possible à travers l’existence d’une diversité dans les représentations médiatiques : « observer une diversité raciale et des représentations positives a un impact », affirme-t-elle.
Cela peut « créer le sentiment d’être reconnu », et permettre de « contrebalancer les stéréotypes négatifs ». Pour la directrice de l’Immigration francophone à la FCFA, la guérison passe avant tout par l’éducation et la sensibilisation afin « d’arrêter les questionnements et créer de l’écoute ». Elle préconise aussi des « politiques publiques avec une tolérance zéro » et recommande de créer des occasions pour permettre aux victimes de parler de leurs expériences sans jugements.
« Se déconstruire sur la question du racisme commence par la reconnaissance », affirme, quant à elle, Angela Cassie, qui constate que l’on a « intériorisé les sentiments anti-Noirs ».
Sophie Gaulin, directrice et rédactrice en chef de La Liberté et membre du panel, a tenu à rappeler l’importance de la prise de conscience et de la responsabilité médiatique. « Les médias peuvent avoir une représentation biaisée de certaines communautés, ils doivent donc être vigilants pour ne pas perpétuer les stéréotypes. »
La responsabilité collective semble être l’un des éléments au cœur de la guérison sur les enjeux racistes. Angela Cassie a d’ailleurs conclu la conférence avec cette citation de Martin Luther King : « À la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis ».