Le 28 avril, les Canadiens et Canadiennes seront appelés aux urnes afin d’élire leur représentant. Selon toutes vraisemblances, le grand duel de ces élections se déroulera entre les chefs des partis libéral et conservateur. À savoir Mark Carney et Pierre Poilievre.

La bataille politique se déroulera donc partout à travers le pays, y compris dans les 14 circonscriptions manitobaines.

Alors que ces élections se déroulent dans un contexte inédit, faut-il s’attendre à des surprises?

Contexte inédit

Lors des dernières élections fédérales de 2021, les sièges de la Chambre des Communes attribués au Manitoba s’étaient partagés entre le Parti conservateur, qui en avait remporté sept, le Parti libéral avait quant à lui remporté quatre sièges et les trois restants avaient été gagnés par le Nouveau Parti démocratique.

Il est possible que les choses soient différentes cette année. En tout cas, selon Christopher Adams, professeur adjoint en études politiques à l’Université du Manitoba, certaines circonscriptions valent la peine d’être surveillées. Notamment l’immense Churchill-Keewatinook Aski, où la néo-démocrate Niki Ashton s’était imposée en 2021.

« Historiquement, cette circonscription est NPD, mais elle est parfois devenue libérale. Et les libéraux ont une candidate solide cette année en la personne de Rebecca Chartrand. Elle est une candidate autochtone et bénéficie d’une bonne visibilité. »

Rebecca Chartrand s’était inclinée face à la candidate NPD Niki Ashton en 2015 avec 42 % des suffrages contre 45 %.

Pour ce qui est des autres sièges susceptibles de changer de couleur, pour le politologue, ils se trouvent à Winnipeg.

« Les circonscriptions détenues actuellement par les libéraux ont été mises en jeu au cours des derniers mois. En particulier les sièges de Kevin Lamoureux à Winnipeg-Nord, de Ben Carr à Winnipeg-Centre-Sud et Terry Duguid à Winnipeg-Sud. Tous ces sièges méritent d’être surveillés parce que les conservateurs veulent les gagner et les sondages d’il y a quatre mois semblaient indiquer qu’ils y parviendraient. »

Christopher Adams rappelle que les sondages ont beaucoup changé depuis et que la popularité des candidats libéraux est revenue au beau fixe. En décembre, le soutien pour le Parti libéral à Winnipeg était de 24 %, il a grimpé à 54 % en mars 2025.

Les libéraux ont le vent en poupe

« Avant de rejoindre l’Université du Manitoba, j’ai travaillé dans l’industrie des sondages pendant 20 ans, confie Christopher Adams. Je n’ai jamais vu les chiffres d’intention de vote du Manitoba osciller comme ça. »

Un changement de tendance que l’on ne doit pas nécessairement aux candidats locaux, mais en partie au départ de Justin Trudeau, au fait que Mark Carney ait pris soin de se dissocier de l’ancien premier ministre, et, bien sûr, aux ravages de Donald Trump.

De plus, « les conservateurs s’appuyaient sur deux piliers qui ont été renversés », explique le professeur adjoint.

« Le premier est la suppression de la taxe carbone, qui n’est plus d’actualité. Et le discours selon lequel le pays est brisé qui alimente les inquiétudes au sujet de Donald Trump. Toujours à propos du président américain, les autres partis comparent Poilievre à Trump. »

Au rural

Toutefois, la couleur bleue ne devrait pas déteindre des circonscriptions rurales du Manitoba, et ce malgré un changement de chef chez les libéraux.

« Ils (les libéraux) ont toujours été faibles dans le Manitoba rural pour de nombreuses raisons. Le bilinguisme n’est pas très apprécié dans les zones rurales, il y a une aversion pour le système métrique, une aversion pour la politique québécoise et beaucoup associent les libéraux avec la province de Québec. Ils sont également considérés comme un Parti élitiste. Il y a aussi la question de la régulation des armes à feu. C’est presque une différence culturelle entre le Manitoba rural et le parti libéral. »

Toutefois, le politologue rappelle que les votes centre-droit ont parfois été divisés. Comme ce fût le cas dans les années 1990. « Cela a aidé les libéraux à certains endroits ».

« Mais le Parti de Pierre Poilievre n’est pas vraiment en compétition avec un autre parti de droite ». Par conséquent, le Parti libéral aura donc beaucoup de mal à se faire une place dans le Manitoba rural.

Les enjeux clés

Comme mentionné plus tôt, le contexte politique et diplomatique de ces élections est assez inédit. Et cela se reflètera dans la campagne et les questions sur lesquelles les candidats devront se prononcer.

« La question bien sûr est de savoir qui pourra négocier avec Donald Trump dans les mois à venir et lequel sera capable de gérer les retombées économiques de Donald Trump ». Deux enjeux clés, reliés par le président américain. Pour Christopher Adams, c’est autour de ces questions-là que les Canadiens départageront les deux candidats.

Finalement, l’autre défi à relever pour les deux chefs de parti sera d’avoir l’air « ministériel ».

À ce niveau, Mark Carney part avec un léger avantage.

« C’est déjà ce qu’il fait. En suspendant sa campagne pour s’occuper des taxes de Donald Trump annoncées sur les voitures importées, il se comporte comme un premier ministre. »

Du côté du chef conservateur en revanche c’est un peu plus compliqué. « Il a principalement fait partie de l’opposition, sauf lorsqu’il faisait partie du cabinet de Stephen Harper. »

Un autre point essentiel de la campagne, et qui jouera un rôle critique dans son dénouement, c’est le débat prévu pour la mi-avril.

« Les débats peuvent être décisifs. Celui-là opposera le premier ministre face au chef de l’opposition et il faudra voir qui des deux aura l’allure la plus ministérielle. »

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