Par Julie LAJOIE.

Pour suivre les bactéries résistantes aux antibiotiques, la surveillance et le partage d’information sont essentiels.

Aux États-Unis, le Département des maladies transmises sexuellement du Centre for Diseases Control and Prevention (CDC) est l’un des trois seuls centres mondiaux à surveiller l’émergence de bactéries multirésistantes aux antibiotiques telle que la gonorrhée et à faire les recommandations sur le traitement de ces infections.

Or, voilà, ce département a été démantelé il y a quelques jours. Les 28 employés travaillant dans ce département ayant été mis à la porte.

À l’heure où les cas de maladies transmises sexuellement augmentent à l’échelle mondiale, nous sommes désormais dans le noir sur le nombre de cas, et la marche à suivre dans le futur, pour les infections à gonorrhée multirésistantes. Au Canada, 70 % des cas de gonorrhée détectés en 2021 étaient résistants à au moins un antibiotique et les infections à gonorrhée étaient 124 % plus élevés qu’en 2012. Les coupures américaines en santé publique et recherche médicale nous affectent donc aussi.

Ces derniers jours, on entend parler de la possibilité d’attirer certains de ces scientifiques et experts en santé publique américains vers le Canada. Les chercheurs canadiens sont déjà reconnus pour leur excellence et attirer des experts de renommée mondiale serait une excellente opportunité. Nous avons l’unique opportunité de devenir des leaders en recherche et en santé publique. Mais pour cela, il va nous falloir des gouvernements provinciaux et fédéraux avec une vision à long terme. Une vision qui pousse vers la recherche et la santé publique.

Oui, nous avons les installations et la reconnaissance nécessaires pour attirer ces chercheurs, mais les attirer et les retenir c’est différent. Au Canada, la recherche est largement sous-financée.

Au niveau provincial, le Manitoba a largement définancé la recherche de la santé dans les dernières années. Les dépenses totales du programme de Recherche Manitoba, ajustées en fonction de l’inflation, sont passées de plus de 26 millions $ en 2016 à 12,7 millions $ en 2023.

Le financement des Instituts en Recherche pour la Santé au Canada (IRSC) n’a pratiquement pas changé dans les 20 dernières années (si on enlève les priorités de recherche reliées à la COVID-19). Le taux de succès pour les demandes de fonds est d’environ 20 % et les demandes qui obtiennent un financement se voient couper de 22 % leur budget. Ce qui rend l’environnement de la recherche très difficile. Pourtant, il a été démontré que pour chaque dollar investi en recherche, il y a un retour de 4 $. Et c’est sans compter les avances qui en résultent et qui profitent à la santé de tous les Canadiens.

Les chercheurs canadiens font de la recherche d’excellence mondiale avec très peu, mais pour attirer des chercheurs renommés, il faut beaucoup plus. Il faut que le Canada prenne la décision d’investir en recherche et dans la santé publique. Il faut que le Canada décide que la recherche c’est essentiel et qu’il devienne un leader. Il faut décider d’investir dans les chercheurs canadiens actuels et ensuite s’agrandir.

Il faut décider que la recherche et la santé publique c’est essentiel. En augmentant les subventions recherche, nous pouvons également bâtir une économie solide basée sur l’innovation où la science, les technologies et la recherche deviennent des moteurs de croissance économique d’un océan à l’autre.

Nous avons une opportunité unique présentement, allons-nous la saisir ou la laisser passer? Pour la santé de tous les Canadiens, j’espère que nous allons la saisir.